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lundi 15 février 2016

Meurtres à Willow Pond (Ned Crabb)

Pour moi, il y a deux catégories de livres (en oubliant ceux qui me tombent des mains !) : ceux que je lis tranquillement, et volontiers, quand j'ai un moment pour lire ; et ceux qui m'attirent comme un aimant, et que je ne peux m'empêcher de reprendre à peine posés, et même si ce n'est vraiment pas le moment. Rien à voir avec le sujet, ni l'âge auquel il est destiné. Simplement, il y a des livres qu'on ne peut pas poser avant le mot fin.

Il y avait longtemps que ça ne m'était pas arrivé avec un roman "adulte", et là j’ai vraiment lu les quatre cents pages en cinq jours. 

Ce qui m'avait au départ attiré dans le résumé, presque plus que la mention d'un roman à la Agatha Christie, c'est le lieu, un lac du Maine.
Et je n'ai pas regretté, car en effet, le site est presque un personnage à part entière du roman. Avec de belles descriptions de la nature, sans que ce ne soit jamais long ou lassant. Et même si on y parle beaucoup de pêche, pas besoin de s'y connaître pour apprécier.

Curieusement, ce roman me parait, du moins dans sa première partie, à mi-chemin entre Agatha Christie et Carl Hiaasen !! Je n'aurais jamais cru pouvoir réunir ces deux auteurs-là dans une même phrase, et pourtant ...
Comme chez Carl Hiaasen, la nature, l'eau, la végétation et la région occupent une place importante, et conditionnent les gens qui y vivent ou y passent. Mais ici, les animaux ne sont qu'une partie du décor, pas des personnages de premier plan. Et j'ai aimé découvrir le Maine, moins courant que la Floride dans les romans me semble-t-il.
Pour évoquer Agatha Christie, on a bien entendu cette réunion de personnes qui se retrouvent dans un endroit un peu à l'écart du monde, de gens plutôt importants ou qui pensent l'être, une cohabitation parfois assez difficile.
A un moment, on se dit que ce roman est en quelque sorte à l'opposé de Dix petits nègres. Tout le monde aurait bien voulu le faire, mais personne ne semble se décider !!

Et malgré ces références, il s'agit d'un roman assez unique.
Il est rare que tous les personnages d'un roman soient antipathiques et déplaisants, ce qui est plus ou moins le cas ici, si on exclut le couple de quasi enquêteurs.
Bien entendu, chacun à quelque chose à se reprocher, comme dans tout bon roman policier, mais en plus, ils sont tous odieux.
Et cependant, on a plaisir à cheminer en leur compagnie !!
Il m'est arrivé de lâcher un livre parce que tous les personnages m'insupportaient, mais ce n'est pas du tout le cas ici. Sans doute grâce à l'écriture si agréable. Et aussi grâce à l'humour, très présent tout le long.
J'ai aimé aussi cette montée de l'inquiétude, en même temps que l'arrivée de l'orage menace aussi. Contrairement à beaucoup de polars, ici on ne commence pas par un meurtre, même si le titre nous les annonce. 
On s'installe tout doucement au milieu de ces personnages, on les découvre, on apprend à les connaître. D'abord tranquillement puis peu à peu, on sent qu'il va se passer quelque chose, et la météo à l'unisson évolue en nous faisant pressentir les drames qui vont se jouer.
C'est très prenant.

J'ai parlé de première partie, parce que, curieusement, le livre, plutôt roman à énigme au début,  évolue peu à peu vers le thriller, l'action. Plus rien de feutré dans la fin de l’aventure.
Mais encore quelques coups de théâtre sur la recherche du coupable.

En arrivant, à regret, à la fin du roman, je repense à l'Incipit surprenant (un peu inquiétant aussi pour la suite de la lecture !) un paragraphe de plus de quinze lignes, avec comme seule respiration quelques virgules. Ouf, un peu essoufflée ! Je sais qu'il y a des précédents célèbres, mais je m'inquiétais que tout le roman soit du même style !! 
Mais non ; cette phrase intrigue et intéresse, et la suite est bien plus fluide, et agréable à lire.
Et après toute une aventure dans le Maine sauvage, nous retrouvons la civilisation, en contemplant Copley Square dans l'épilogue. J'aime Boston !                     (ma vue perso du quartier Copley !)

Je remercie Babelio Masse critique et les Edition Gallmeister pour cette  agréable lecture.
Et je vais suivre de près cet éditeur, que je ne connaissais pas. Et dont je vois qu'il est spécialisé dans la littérature américaine, et plus particulièrement le Nature Writing.
Dommage qu'avec le livre offert (encore merci), on n'ait pas (ou très rarement) quelques mots sur la maison d'édition, sa ligne directrice, son catalogue.



Extraits :

Prologue 
À 6 h 30, un matin de juillet particulièrement ensoleillé, dans les camps de pêche McCorkle situés au bord de Winsokkett Pond, dans le Maine, dans le troisième camp au nord en remontant le chemin est-ouest qui serpentait sur quatre cents mètres jusqu’à la grande route, à l’intérieur d’une maison où le vrombissement nerveux d’un moulin à café rivalisait avec le concerto matutinal des pinsons, fauvettes, moineaux, geais, roitelets et mésanges qui peuplaient les bois épais environnants, Alicia Godwin, professeur de littérature anglaise retraitée, preuve d’un mètre quatre-vingt-huit que l’âge mûr ne diminue pas nécessairement le charme physique, se tenait nue dans la cuisine aux proportions modestes, savourant l’arôme d’un café du Costa Rica fraîchement moulu, tout en regardant Six Godwin, professeur d’histoire retraité, également nu, sortir en souriant de la chambre et se diriger vers elle en passant devant la grande cheminée de pierre et les chaises longues.

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Ainsi commença une nouvelle journée de splendeur paisible pour les professeurs Godwin, dans la région paradisiaque des lacs du Maine rural.
Hélas, comme nous le signale la mythologie de diverses religions, les ennuis finissent toujours par éclater au paradis.


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Des colonie de petits oiseaux gazouillaient dans les arbres. Bizarrement - peut-être parce qu'il allait mourir - , Brad se rappela que, lorsqu'il était enfant, puis jeune homme, du temps où il savourait chaque jour car la vie semblait si parfaite, il était capable de faire la différence entre un pinson, une fauvette, un moineau et un loriot rien qu'en les écoutant chanter.


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"Je prends un air inexpressif et je pose des questions polies, avait-elle un jour expliqué à Benson. Même quand ils me sortent des mensonges à hurler de rire, je ne réagis pas, je continue à les regarder droit dans les yeux en hochant la tête. Bizarrement, ça met la plupart des gens très mal à l'aise."

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