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mercredi 28 septembre 2016

Yankov - Rachel Hausfater

Éditions Thierry Magnier 2014
145 pages
Résumé Babelio


Encore un petit bijou, avec l'écriture extraordinaire de Rachel Hausfater.

Un thème dur et assez peu traité en littérature jeunesse me semble-t-il : il commence où finissent la plupart des romans : au moment de la libération des camps.



Yankov a 11 ans quand le camp de Buchenwald ouvre enfin ses portes pour le laisser sortir. Il y a perdu sa mère et son bébé de soeur dès le début, puis son père, qui l'a longtemps soutenu, devant ses yeux.
Que devenir, physiquement et moralement, quand on a vu et vécu toute cette horreur.
Et où aller tout simplement quand on n'a plus de famille, ni de pays non plus.

L’auteure nous raconte avec des phrases très courtes, superbes, que j'ai lu parfois presque en apnée.

La violence, la difficulté à se reconstruire.
Mais aussi l'importance, pour ces garçons, mais pour tout le monde  en fait, de rencontrer plutôt des éducateurs bienveillants que ceux rigides et durs.
Et on se dit que pour quelques enfants que des "Donna" ont sauvé d'eux-mêmes, combien ont dû, après l'horreur des camps, faire face sans espoir à d'autres lieux sans espoir, d'où ils n'ont sans doute pas pu émerger positivement.
L’importance du nom, l’importance de son image. tout est admirablement abordé ici par petites touches, sans insister, presque en douceur.

Depuis "Le chemin de fumée" et l'admirable "La danse interdite", Rachel Hausfater nous avait habituée à son écriture sublime, et celui-ci est peut-être encore plus fort.


Extraits :

Juifs contre Juifs : nous sommes nos meilleurs et plus féroces ennemis.
Et ça, je trouve ça bête : on en a déjà tant !

***

Pour survivre, pour s'en sortir, faut pas sourire : faut mordre.

***

Quand on est le fils de quelqu'un, on existe. On a un nom : le sien. Il connaît votre prénom, qu'il avait choisi quand votre vie commençait, pleine de jolies promesses qui ont été trahies. 
C'est comme ça qu'il vous appelle : Yankov, avec une voix qui console. Pas avec un surnom de prison donné par des prisonniers, pas avec un numéro de bestiau donné par des geôliers.
Maintenant, qui sait mon nom ?

***

- Comment tu t'appelles? me demande t-elle doucement dans son yiddish hésitant.
Je ne lui répond pas, je lui montre juste mon bras.
Mon numéro, c'est moi.
Alors elle tend la main et me touche la peau. Ca brûle! Je me lève brusquement et me sauve en courant, regrimpe l'escalier et me jette dans mon lit. Mon cœur est tout battant et j'ai envie de pleurer.
Je veux pas ses caresses!
Car la tendresse, ça ment.
Ça fait croire aux mamans...

***

C'est pas encore aujourd'hui que je pourrai m'envoler.
Car pour aller en France, il faut prendre le train.
Et moi, j'aime plus les trains.

***

J'ai vu les pères tomber, les mères s'en aller et les enfants brûler.
J'ai vu la fin du monde.

Comment oublier ?
Et comment me pardonner d'être vivant
quand tous ceux que j'aimais ont été massacrés ?

***

Ici, il n’y a plus de mamans, pour personne, depuis longtemps.
Et sans maman, on ne peut pas être un enfant.

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