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lundi 29 avril 2019

Quintland L'incroyable destin des premières quintuplées - Fred DuPouy

Quelle histoire terrible ! Mais racontée de façon tellement intéressante.

Je me souviens qu’enfant, j'entendais parfois parler de ces soeurs. On n'en parle plus beaucoup et j'étais curieuse d'en apprendre plus sur leur vie.

Le récit à plusieurs voix amène un peu de légèreté et beaucoup d'intérêt à l’histoire. On lit en parallèle :
Le journal de l'infirmière qui s'occupe d'elles.
Le récit "de l'intérieur": l'aînée des quintuplées qui "parle" ou plutôt qui réfléchit.
Une double narration : D'une part tout ce qui tourne autour de ces cinq filles, et d'autre part deux fillettes, Alice et Édith, qui habitent dans les environs, et qui vont plus ou moins rencontrer les 5.

J'ai aimé l'originalité de nous faire découvrir ce que ressent l'aînée des filles dès ses premiers jours, la sortie du ventre, la séparation de ses soeurs ... puis peu à peu , elle peut mettre des mots sur ce qu’elles vivent. Les personnes qui s'occupent d'elles, celles qui viennent les voir comme au zoo, celles qui disparaissent de leurs vies, sans qu'on ne prenne la peine de leur expliquer ...
Une très jolie façon de les faire parler, et de les comprendre.



La présence des deux fillettes "inventées" amène un recul intéressant. Elles réfléchissent beaucoup, et sont choquées par l'exploitation commerciale des quintuplées, par la vie qu'on leur impose. Elles-même veulent choisir leur vie, ce qui dans cette première moité du 20e siècle au Canada, n'avait rien d'évident. Elles apportent au roman à la fois un peu d'air, étant extérieures au cercle rapproché des Dionne, et de belles idées, une saine indignation.
Plus tard, j'ai aimé l’idée d'Alice de vouloir lire des histoires, même à des enfants qui maîtrisent déjà la lecture.

J’ai apprécié la typographie différente selon qui parle ou pense.

Les quintuplées Dionne sont nées le 28 mai 1934, dans une famille francophone du Canada (ça a une certaine importance). Elzire, la maman, avait 25 ans, et déjà cinq autres enfants. Personne au départ ne pouvait croire à la survie de chaque fillette, ça n'était jamais arrivé.
C'est donc un grand événement qui ne peut pas passer inaperçu, et ce sera terrible pour la famille :  les parents, à qui on a pratiquement enlevé ces bébés, sous le prétexte de les protéger. Et surtout pour les cinq filles, qui ont dû vivre une partie de leur vie à l’écart de leur famille et du monde. Sous les yeux de personnes qui les regardaient comme des bêtes curieuses. Lorsqu'elles retrouvent parents ou grands frères et soeurs, pour les courts moments qu'on leur accorde, ce sont pratiquement des étrangers, difficile de jouer ou se confier quand on ne fait que se croiser de loin en loin.

Mais ce texte est lisible à tout âge, l'écriture et les différents points de vue introduisant un peu de légèreté, et aussi des bases de réflexion.
Je pense que ça devrait plaire aussi bien aux adultes qu'aux enfants même jeunes, chacun y verra des choses différentes.
L'auteur a su faire vivre chaque soeur séparément, nous montrer le caractère de chacune, leurs différences malgré leurs vies toujours ensemble.

J'ai toujours un peu de mal quand une histoire mêle réalité et fiction, j’aimerais savoir précisément où chacune s'arrête. Cependant, ce n'est pas très gênant ici, on sait ce qui appartient à l’histoire.
On sait aussi que "Les passages de ce roman consacrés au journal d'Yvonne Leroux [l'infirmière] sont inspirés et librement adaptés de son véritable journal"
J'étais un peu déçue que le récit s'arrête si tôt, mais heureusement, l'auteur nous résume la suite de leurs vies.
On a aussi une double page en noir et blanc de photos et publicités de l'époque.

Si cette histoire vous intéresse, n'hésitez pas à aller voir l’excellent article sur le sujet sur le blog Au Fil des pages, avec des photos et vidéos.
Et sa chronique du roman.

Extraits :

- L'attitude du gouvernement est scandaleuse, je me battrai pour retrouver mon autorité paternelle ! Tout ça parce que nous sommes des Canadiens français ! Si nous étions anglophones, les choses ne se passeraient pas de la même manière... C'est toujours la même histoire : plus les gens sont pauvres et opprimés, plus on cherche à les enfoncer.

***
- N'était-ce pas un charmant spectacle ? lança Miss Darmon à sa classe réunie.
- Oui, Miss Darmon, c'est fascinant comme ces cinq petites filles se ressemblent, répondit une élève.
- Quel dommage qu'on ne puisse pas leur lancer des cacahuètes ! grommela Edith.

***
À l'époque où les fillettes étaient des bébés, leur image avait été associée à des marques de savon ou de lait en poudre ; maintenant, on se servait d'elles pour promouvoir l'engagement du Canada dans un conflit mondial. Peut-être cette cause était-elle juste, mais de quel droit utilisait-on ces enfants ? N'était-ce pas une terrible façon de les endoctriner, de les priver de toute possibilité de développer leur libre arbitre ?

Éditeur : Syros ; 2 mai 2019 ; NOUVEAUTÉ 
240 pages ; 15.95 €
Résumé Babelio










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