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lundi 16 mars 2020

C'est moi qui décide ! - Roland Godel

Un court roman très important, qu'on a envie de faire lire à tous. Très facile d'accès et vite lu.
Mais j'ai un peu de mal à donner un avis.

Safiyé est en CM2. Contrairement à son amie Estelle, elle adore nager, mais ne va plus à la piscine avec l'école. Avec réticence, elle confie à son amie que son père le lui interdit.
Malgré les efforts de l'entourage, parents, école, le père campe sur des positions qu'il estime juste, en accord avec sa religion.
Les jeunes lecteurs découvriront ici que si les filles doivent se voiler, ne pas se montrer en maillot, etc, c'est parce que cela donne des idées sales et impures aux hommes.  Ce sont donc elles qui sont punies, privées de liberté.
Ce roman montre bien les différents avis. Le père explique les raisons de son attitude, et  qu'il fait cela pour le bien de sa fille. Ses interlocuteurs, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent pas grand chose pour aider Safiyé : la maman de sa copine est bien consciente qu’elle ne peut la garder chez elle en cachette de ses parents. Les enseignants peuvent brandir l'obligation de scolariser, avec le danger que le père la retire de l’école pour l'envoyer chez un autre maître plus intégriste que lui.
La fillette de la couverture, qui s'affirme et décide, n'est absolument pas celle du roman (qui a eu l'idée d'une telle illustration ?). Safiyé est terrorisée, même si elle essaie, à l’initiative de son amie, de s'affirmer face aux interdits qu'on lui pose.

Le père est réellement intégriste, la famille turque conforme à ce qu'on en attend : la mère très soumise, le grand frère qui seconde le père pour faire obéir sa soeur, même si on sent qu'il l'aime et qu'il est parfois partagé. Hélas, on sait que c'est le quotidien de beaucoup, et que le trait n'est pas forcé.

La présence du père d'Estelle, assez rigoureux lui aussi, mais dont les idées parfois un peu étroites sont bien contrebalancées par la mère, qui elle ne se soumet pas, apporte un autre côté bienvenu à l’histoire.

D'où vient qu’après l'avoir lu d'un trait, je suis assez mal à l'aise pour donner un avis ?
Même si on donne la parole à tous, j'ai l’impression qu'on nous donne à entendre ce qu'on a envie d'entendre. Il est clair que l'auteur se positionne nettement. Tout aussi clair qu'on ne peut qu'avoir cette position là, celle des droits de l'enfant.
Mais présenter les gentils d'un côté, les méchants de l'autre va-t-il faire avancer la juste cause ?

La fin est à la fois encourageante pour l’évolution qu’elle entend. Et après réflexion on se dit que rien n'est résolu.
Mais le roman a le mérite de poser le problème avec de bonnes explications.

Je ne connaissais pas cette collection, je pense que ce thème n'est pas le plus facile.

Extraits :

- Tu n'es pas un peu jeune pour couvrir tes cheveux ?
- Eh bien... mon père dit qu'il vaut mieux que je m’habitue. Parce qu'à l’adolescence, j'y serai bien obligée.

***
- Écoutez, la piscine ça va clairement trop loin. Je trouve déjà injuste qu'on empêche Safiyé de porter son foulard à l'école. Ça fait tout de même partie de sa liberté personnelle et de la liberté religieuse !

***
- Je ne t'ai jamais dit ce qu'il signifiait ? Chez nous, en Turquie, Safiyé ça veut dire "la pure".
- Bon, c'est joli. Et alors ?
- Et alors... c'est là justement que tu ne peux pas comprendre. C'est à cause du regard des autres. Le regard des hommes.
- Il a quoi, leur regard ?
- Il est plein de désir et de vice. Il est sale, et c'est pour ça qu'il rend les femmes impures. Alors il faut se protéger, couvrir ses cheveux et dissimuler son corps, pour ne pas provoquer l'envie des hommes et attirer ces regards qui nous salissent.

Éditeur : Oskar - 13/06/2019
Collection : Droits de l'enfant - New York 1989
En préface, un extrait de la convention internationale des Droits de l'enfant.
84 pages - 7.95 €
Résumé Babelio

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