Cependant, contrairement à une multitude de romans qui se veulent "comme" ceux de la grande autrice (et que j'apprécie d'ailleurs, car c'est un genre qui me plait, énigmes, peu de violences ou peu décrites, personnages intéressants), même si c'est aussi ce style, c'est en plus vraiment basé sur son oeuvre : Un colloque autour de Dame Agatha voit le jour grâce à un groupe de passionnés, et les différentes interventions comme les évènements imprévus renvoient aux titres et trames des romans connus.
De quoi donner grande envie de se replonger dans l'oeuvre initiale.
J'ai aimé l'histoire, les personnages bien campés, les renvois et similitudes vers les romans d'Agatha Christie, l'originalité de ces quelques passionnés qui se lancent dans un défi qui les dépasse, et toute l'intrigue elle-même. La présence et l'importance des chats aussi.
J'ai regretté qu'on soit plus souvent dans l'introspection que dans l'action. Il m'a semblé qu'on aurait pu se passer de pas mal de circonvolutions, parfois je me suis un peu ennuyée. Mais sans doute parce que je suis toujours trop pressée, la hauteur de ma pal m'entraînant toujours plus vite vers de nouvelles lectures (ce qui est, je le reconnais, une grave erreur, le plaisir de la lecture se déguste lentement. Mais il y a tant de livres que j'aimerais découvrir, et il me reste si peu de temps !)
J'allais oublier d'ajouter que ce roman se déroule dans un cadre réel, ce qui me surprend toujours.
Il devrait vous donner envie autant d'aller visiter le charmant village de Marcolès, et le Cantal, que de vous (re)plonger dans l'oeuvre d'Agatha Christie.
Et je serais curieuse de connaître les réactions des habitants à cette parution, une jolie publicité des lieux (réels) mais pas forcément des personnes (fictives !).
Qui a connu le bocal de bonbons à la quête du dimanche ? Je n'avais jamais entendu parler de ça ! Il est vrai que nous mettions plutôt des piécettes que des billets, mais pas de bocal de bonbons en vue !!
Sylvie Baron a apparemment écrit pas mal d'autres romans implantés dans le Cantal, que je n'ai pas eu le plaisir de lire. Une sympathique façon de préparer nos vacances sans doute !
Extraits :
[Incipit]
Quand on travaille dans la médiathèque d’une petite ville, on finit par connaître les secrets de tout le monde.
Odile Lavergne le sait bien, il ne lui a pas fallu longtemps pour deviner, en raison des ouvrages empruntés, les peines de cœur, les rêves d’amour, les angoisses hypocondriaques, les nostalgies du temps d’avant, les désirs de vengeance ou tout simplement le besoin éperdu de reconnaissance de certains de ses concitoyens.
Il faut ajouter qu’Odile a le don de savoir écouter les autres, de faire preuve d’empathie et d’encourager les confidences.
— Bonjour, vous êtes bien à la médiathèque de Marcolès, que puis-je faire pour vous ?
Cette simple annonce qu’elle distille plusieurs fois par jour de sa voix chantante au téléphone met tout de suite à l’aise son interlocuteur. Dans un monde où tout va trop vite, comment ne pas apprécier cette pause offerte qui permet de prendre son temps et de le perdre sans aucune culpabilité ?
Odile multiplie aussi les petites phrases pleines de compassion.
« C’est vraiment désolant ! »
« Si ce n’est pas malheureux, tout de même. »
« Il faut bien du courage pour supporter tout cela. »
Cette dernière est sa préférée, celle qui fait mouche à tous les coups car du courage, tout le monde aimerait en avoir, mais personne n’en a vraiment.
C’est beau le courage, ça suppose de la force de cœur, de la fermeté de caractère.
En tout cas, ça ne se refuse pas si on vous en prête.
***
Lire pour lui est un refuge, surtout Agatha Christie. Une littérature policière, certes, mais réconfortante parce que le suspense est modéré, les cadavres sont bien peignés, les figures connues, l’écriture polie et le cadre policé, avec juste cette pointe acide des raisonnements un peu alambiqués qui conduisent à la solution des énigmes et qui permettent de débattre pendant des heures.
***
Ils avaient au moins trois domestiques et le petit Archibald, chaque dimanche à la sortie de la messe, lui tendait fièrement un billet avant de plonger une main avide dans le bocal à bonbons.
***
En ce qui concerne les questions d’argent, elle fait entièrement confiance à Pierrette. Celle-ci est imbattable en calcul mental depuis l’époque où elle était une supérette entière à elle toute seule : épicerie, mercerie, droguerie, quincaillerie, fromagerie, papeterie, confiserie, matériel de pêche et chaussures. La plupart des articles étant alors vendus au détail, au poids ou au mètre et évidemment sans caisse enregistreuse ou balance électronique, ça demandait une sacrée agilité des neurones.
***
Elle le rassure en disant qu’une collation l’attend au château.
Il bute un peu sur le mot.
— Une collation, c’est petit ça, non ?
Il extirpe un guide touristique de son sac à dos pour énumérer d’une voix gourmande :
— Tripoux, aligot, truffade, pounti, saucisson d’Auvergne, tu vois, c’est marqué là, les spécialités du pays. Moi, j’ai toujours la joie de découvrir les spécialités, surtout en France. Il faut que je goûte tout pendant le colloque, pour l’énergie, tu comprends ?
***
Tous ces experts sentent la portion congrue, l’intelligence médiocre, le sens du cliché, le copier-coller, le discours insipide, le rabâchage des ratés et la naphtaline. Organiser ce colloque était une erreur, elle s’en doutait.
***
je suis d’accord avec plusieurs experts qui considèrent que sa production a peut-être été altérée en fin de vie par les conséquences d’une maladie d’Alzheimer. Ses deux derniers romans écrits à quatre-vingt-un ans, Une mémoire d’éléphant, et à quatre-vingt-deux ans, Le Cheval à bascule, sont lourds et confus, remplis d’incohérences quant à l’intrigue et aux personnages. Curieusement, ces livres évoquent longuement les problèmes de mémoire de personnes âgées, reléguant parfois l’intrigue au second plan.
***
Il vient de réaliser que Jo a tout d’un chartreux, élégance, intelligence, indépendance et charisme. Ces chats n’ont pas besoin de miauler ou de sauter partout pour sortir du lot. On sent leur présence dès l’instant où ils entrent dans une pièce.
***
Avoir du temps quand on est encore jeune, sans attendre la retraite, suppose de n’accorder aucune importance véritable aux contraintes matérielles.
Éditeur : Calmann-Lévy - 1 février 2023
Collection : Policier & thriller ; 270 pages ; 14,90 €
Lu en numérique via NetGalley que je remercie
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