Si c'est réellement une histoire vraie, comme indiqué, je pense que les parents auraient dû être accusés de maltraitance envers leur fille, voire même enfermés car ils semblent fous, surtout le père.
Il est certain qu'on n'a qu'un "son de cloche" puisque raconté seulement par la fillette mais tout de même.
Cet homme, sous prétexte qu'il s'appelle Cook, part pour un tour du monde en emmenant femme et enfants sans vraiment leur demander leur avis, et sans être préparé lui-même de façon correcte.
Rien ou presque de prévu pour occuper les enfants, qui (au moins au début) doivent presque toujours rester au fond du bateau, le pont et la cabine étant trop dangereux, et les adultes trop occupés.
Sa femme manifestement déteste naviguer, elle a le mal de mer, elle est terrifiée à l'idée de devoir se hisser ou descendre des bateaux, elle est malade à chaque départ au point de ne pas pouvoir s'occuper des enfants ni les nourrir pendant plusieurs jours.
Le père les lance à la légère dans un périple extrêmement dangereux, dans le "mauvais sens" qui leur fait essuyer des tempêtes terrifiantes, où ils sont blessés gravement.
Peu de côté positifs dont on pourrait dire qu'ils compensent l'absence de classe et d'amis pour les enfants : peu d'exercices qu'on pourrait dire pratiques sur la navigation, des escales uniquement occupées à s'approvisionner ou à se soigner etc ...
La fille n'a pas le droit de monter sur le pont dès qu'il fait mauvais, car il y a un seul gilet taille enfant, et qu'il est réservé à son frère, sans qu'il soit jamais question d'en acheter un autre, jusqu'à ce qu'elle puisse utiliser ceux des adultes.
On lui refuse totalement le droit de parler de la tempête qui lui a valu un un gros traumatisme crânien et des points de suture à vif dans une île dépourvu d'hôpital, alors qu'elle en fait continuellement des cauchemars.
Puis elle grandit, elle est pratiquement esclave, devant aider sans cesse à la cuisine, aux divers travaux. On lui refuse presque toujours d'aller en classe, même quand une escale est assez longue pour que ce soit possible. Et quand elle obtient au moins des cours par correspondance, tout semble fait pour qu'elle ne puisse guère y travailler. Sans cesse accusée de gêner si elle occupe une table. Sa mère lui demande toutes les 5 mn d'aller lui préparer un thé, lui chercher quelque chose.
Son père décide de lever l'ancre quand bon lui semble, alors que ses cours ne sont pas encore arrivés. Dès qu'elle se plaint on l'accuse d'avoir mauvais caractère mais sa mère peut rester des jours sans lui adresser la parole.
Quand elle supplie d'entrer en internat, ses parents lui répondent qu'ils n'ont pas l'argent, et que quand ils en auront, ce sera pour son frère. Et quand elle parvient à gagner quelques sous en travaillant lors des escales, espérant s'offrir une robe, son père les lui prend, et on lui reproche d'être égoïste, de ne pas choisir le bien commun.
Et plus tard, à 17 ans, ils vont finir par la laisser à terre, loin de tout, pendant des mois, avec la responsabilité de son frère (qui n'a que quelques mois de moins qu'elle) qui ne fait que sortir, jouer et boire. Elle, sans argent, doit, en plus de son travail scolaire et de la maison, travailler dur pour trouver des passagers pour le bateau. Sans jamais un merci ni un cadeau.
Car ce voyage ne rime à rien en fait : à part à satisfaire la folie de son père. très mal préparé, il est sans cesse à cours d'argent, n'a jamais de vrai équipage, mais des passagers payants, que Suzanne doit former chaque fois, nourrir, et qu'elle doit quitter chaque fois qu'elle s'en fait des amis.
Il prétend refaire le voyage de James Cook. Mais ce Capitaine a fait de grande s choses, il a aidé la cartographie, la botanique, fait des découvertes importantes.
Alors que Gordon, le père de Suzanne, ne sert strictement à rien, se contentant de suivre les trajets de son prédécesseur quand le vent le veut bien, trafiquant un peu d'alcool, essayant divers métiers qui doivent lui permettre de continuer son périple et qui s'avèrent tous hors de sa portée.
La mère ne vaut guère mieux, détestant cette aventure mais détestant encore plus sa fille, qui doit survivre par sa propre volonté uniquement, sans aide, sans amis, sans formation.
Et Suzanne ne peut même pas compter sur l'amitié de son frère, à peine plus jeune qu'elle, parce que les parents lui autorisent tout ce qu'ils refusent à sa soeur, le choient, et donc elle ne peut attendre aucune aide de sa part.
En plus de cette histoire qui m'a donné envie de hurler pour défendre cette pauvre fille, j'ai eu du mal à apprécier le livre car, comme elle d'ailleurs, on profite assez peu des escales, des découvertes et des visites. Très peu de "tourisme", de découvertes des lieux et des populations.
Sur les premières parties, il n'est question que de la mer, Suzanne se contentant de signaler qu'ils ont passé x jours à terre. Ensuite, les escales sont un peu plus détaillées, mais il est bien plus souvent question des achats obligatoires, des ennuis administratifs, des ports sinistres, que des beautés ou particularité des lieux.
Et j'ai finalement eu l'impression que tous les endroits se ressemblaient un peu.
Ne connaissant rien au vocabulaire de la navigation (malgré mes permis bateaux 😊) si cette aventure m'a intéressée, je me serai volontiers contentée de moins de 500 pages, un peu moins de mots techniques, un peu moins de répétition, même si hélas ça a été le lot de Suzanne pendant tant de longues années.
J'ai malgré tout eu finalement du mal à quitter Suzanne, car, si j'ai souvent regretté au cours de ma lecture qu'elle accepte sans se rebeller toutes les corvées qu'on lui impose, dans son grand désir de se faire accepter et apprécier par ses parents, ce qui est peine perdue, je suis admirative de ce qu'elle est devenue plus tard, d'après sa biographie.
Quelle volonté d'apprendre malgré tout, quelle intelligence d'avoir su s'en sortir après dix ans sur cette galère.
Quelle volonté d'apprendre malgré tout, quelle intelligence d'avoir su s'en sortir après dix ans sur cette galère.
Extraits :
... mon corps gisant sur le sol de la cabine, le trou béant dans le pont, l'eau partout, les poutres brisées, la peur [...] les taches rouges sur mon sac de couchage, la douleur.
***
[Sur l'île Amsterdam, base scientifique dans les Terres australes et antarctiques françaises ; une des îles les plus isolées au monde]
L'hématome comprime la fracture. Si nous ne faisons rien, monsieur le capitaine, votre fille risque une lésion au cerveau. Nous devons inciser la plaie.
[...] Nous n'avons pas d'analgésique pour le cerveau. Pas ici.
[...]
Après ma septième opération [...] C'est terminé.
Tout ceci - il désignait la profonde poche sous mon oeil - s'effacera avec le temps. Votre fille est très courageuse.
***
Je ne veux pas être différente des autres. Je veux simplement mener une vie normale. Je ne veux pas être retenue en mer pendant ma vie entière, loin de mes amies.
***
[Le vicaire Edward Faka Tafua] - Capitaine, avec votre permission, je vais boire l'alcool que vous possédez. C'est un fléau pour notre congrégation et il m'appartient de me sacrifier pour elle.
***
La détresse de se trouver prisonnier du rêve d'autrui.
Titre original : Wavewalker breaking free (2023)
Traduit par Hervé Lavergne.
Cote Dewey 797.1
Éditeur : Aux Feuillantines (22 mai 2025)
Collection : Destins singuliers - 540 p. - 24.90 €
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