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lundi 25 janvier 2021

Coup de boule, Corneille ! - Pascal Ruter

Un petit roman tendre et hilarant.
Avec Pascal Ruter, toujours l'émotion se mêle aux rires ou aux sourires. Ici, on rit beaucoup, on s'amuse bien. Et on se pose des questions aussi, en tant qu'adulte.

Quand j'ai vu qu'était proposé un roman de cet auteur, je n'ai pas regardé plus avant de le demander, tant j'ai aimé mes précédentes lectures (voir liste en fin de chronique).
Quand ensuite j'ai vu le sujet, j'ai été surprise, car il y a peu qu'est paru, en B.D. mais sur le même thème Le Cid en 4eB.
Surprise aussi car il plus courant de proposer Corneille au collège qu'en primaire.
Puis j'ai commencé à lire, et je n'ai plus pensé qu'à l'histoire, et plus lâché jusqu'à la fin.

Héléna, ses camarades de classe et leurs parents sont très impatients de découvrir la remplaçante. Ils étaient habitués à leur maîtresse, qui était là depuis longtemps, et sans surprise.
Autant dire que ça va changer ! Et pas seulement parce que la nouvelle arrive en moto !

Et la nouvelle - vraiment nouvelle, c'est son premier poste - se lance avec la candeur et l'énergie des débutants dans cette entreprise insensée : faire jouer par la classe des scènes du Cid, dans une version revue par les élèves. 
(Je me souviens de ma première année d'enseignement ! Pas question de théâtre vu ce que j'enseignais, mais un courage (ou de l'inconscience) pour se lancer dans des expériences dépassant les possibilités !!)

Et ne doutant de rien, elle leur fait fabriquer les décors, les costumes, et même les armes après un passage en forêt.
Bien entendu, cela va donner des successions de passages fort cocasses, et pas mal de misères pour la pauvre débutante. D'autant qu'en plus des élèves assez agités comme on en trouve toujours, "Dans la classe, il y avait David. Il était spécial et avait un comportement difficile à comprendre."
Certains passages m'ont évoqué Le Petit Nicolas, peut-être à cause notamment de Lola qui rappelle, au début du moins, Alceste, mais surtout par la pagaille qu'ils sont capables de créer en un clin d'oeil.

Mais au-delà de la drôlerie de chaque scène, on se rendra compte que l'institutrice va en fait, par ses méthodes atypiques, parvenir, presque candidement, à faire apparaître le meilleur de chaque élève, à leur permettre de dépasser leurs peurs et leurs points négatifs. Avec en plus ce personnage de David, intégré dans une classe "normale", et ça réchauffe le coeur.

Et même si certains parents sont réticents à ce type d'enseignement (et on les comprend), quelle classe merveilleuse, faisant fi de toutes les conventions, obligations, restrictions !
Au point que je me suis demandée si l'auteur était si éloigné du monde de l'enseignement, pour pouvoir imaginer une telle école. Mais non, il semble qu'il soit lui-même enseignant en collège !
D'ailleurs, le passage de l'inspecteur est un morceau d'anthologie !

Au final, un très chouette roman, qui n'a probablement pas la force de ceux que l'auteur écrit pour les plus grands, mais qui en plus d'être un vrai régal à lire, nous fait voir les choses autrement.

Extraits :

 - Ce soir, renseignez vous sur Corneille. 
- Il est célèbre ? ai-je demandé. 
- Oui, Héléna, très célèbre. Sur internet vous trouverez plein de renseignements. Ou bien dans une encyclopédie. 
Lola a demandé ce que c'était, une encyclopédie, et la maîtresse a dit que c'était comme sur internet mais dans un livre. 
- Et surtout, a-t-elle repris, imaginez les personnages tels que vous les sentez. 

***
- Il faut qu'on montre bien qu'on s'aime à l'ancienne, ai-je dit. Sinon les spectateurs ne comprendront pas. 
- Comment on fait quand on s'aime à l'ancienne ? 
- On se sourit. Alors on s'est souri. 
- Et on fait des yeux doux avec la tête sur le côté. Alors on a fait des yeux doux avec la tête sur le côté. 
- Et on prend une voix très gentille pour se dire des compliments. On a pris des voix gentilles. 
- Et des fois le garçon se met à genoux aux pieds de la fille. C'est exactement ce qu'il a fait, genou à terre, nuque courbée. 

***
La pièce que nous allons monter est Le Cid, de Corneille. De l’amour ! De l’honneur ! Des rivalités ! Des sentiments !
Elle s’est arrêtée de parler brusquement, un grand silence a pris la place. On n’entendait que le stylo du vieux monsieur qui continuait à tout noter.
La mère de Lola a levé la main.
– Comme dans Plus Belle la vie ?
La maîtresse a eu un moment d’hésitation et a répondu :
– Exactement. Vous avez raison. Sauf que ça se passe en Espagne, au XVe siècle.
Le père de Steve, qui avait enfin réussi à se dégager de sa chaise et ne savait plus trop où se mettre, a demandé :
– Comment vous dites, déjà, le kid ?
– Le Cid, de Corneille.
Personne ne connaissait, sauf le père de David qui faisait oui de la tête depuis au moins dix minutes. C’était le genre instruit à lire tout le temps avec ses petits yeux derrière ses lunettes, alors forcément le théâtre ça lui plaisait.

***
– Faut faire gueuler Corneille ! Faut faire gueuler Corneille !
– Antanaclase ! Apocalypse ! Acclamation !

Editeur : Didier Jeunesse - 27 janvier 2021 - NOUVEAUTÉ
Collection : Mon Marque-Page +
160 pages - 12.90 €
Lu en numérique via NetGalley que je remercie.

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