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mercredi 20 octobre 2021

À Corps perdu - Muriel Zürcher

Je ne suis pas près d'oublier Sacha. Et Océane, Hector, Lali, Marmot.
Quel roman ! Construit comme un puzzle, chaque chapitre ajoute une pièce, qui nous permet de deviner peu à peu le motif final.

Difficile donc d'en parler, au risque de trop en dévoiler. 
En outre, aucun de mes mots, aucun résumé, ne pourrait parler suffisamment bien de la beauté de ce roman, de son intérêt, de sa profondeur, de son émotion.

D'entrée, on fait la connaissance de Sacha en prison, en attente de son procès, mais prêt à se faire démolir par ses "compagnons" de cellule, Sacha qui plaide coupable d'un crime grave voire horrible (et très ancré dans l'actualité). Sacha qui se barricade derrière les conseils reçus de son père, pour devenir plus dur, plus fort, plus inaccessible aux  émotions. Sacha qu'on va deviner peu à peu avec un cœur gros comme ça, gamin massacré par la vie mais qu'on a tellement envie d'aimer.

On rencontre aussi Océane, 135 kg d'envie de vivre et de danser. Qui nous fera voir peu à peu que la maltraitance verbale d'une mère peut être aussi grave que celle physique d'un père. 

Et Louise, la journaliste trop belle pour se sentir prise au sérieux. Et qui va devoir faire ses preuves.
On se doute que ces trois là finiront par se rencontrer, et ce ne sera anodin pour aucun, mais on avance en zig zag dans l'histoire avant d'en savoir plus.

Et on n'oubliera pas non plus Hector le berger, celui qui sauve, quasiment le pivot de l'histoire même s'il n'est plus là.

Si ce roman n'est pas linéaire, il est facile à suivre car le titre de chaque chapitre non seulement mentionne la date, mais la situe par rapport aux évènements déjà connus.

Malgré la profondeur, l'empathie et les émotions, il y a aussi un côté polar et thriller, d'abord pour deviner la vérité sur ce qui s'est réellement passé, puis pour savoir quelle sera l'issue.
J'avoue à un moment avoir craqué et être allée voir la fin, sans parvenir à prévoir si elle serait heureuse ou malheureuse. Incapable de continuer à lire calmement, j'ai préféré me faire une idée, plutôt que d'avaler les pages pour savoir.
Je supporte très difficilement la violence, même en roman. Donc le début m'a été difficile. Mais on s'attache vite à ce malheureux gamin, c'est un très beau roman.
À la fois intemporel (un gamin en grave maltraitance, une journaliste qui enquête) et très ancré dans notre année, avec les masques anti covid qui s'invitent dans le drame.

À titre personnel, j'ai bien aimé qu'on se promène de Chambéry à Novalaise, en passant par le Col de l'Épine !

Le résumé ne m'avait pas vraiment tentée, mais vu mon coup de cœur pour Robin des Graffs, je n'ai pas hésité, il fallait que je lise celui-ci, et il est encore plus fort, plus prenant.
Je trouve la couverture très belle.

Extraits : 

La confiance, c’est perdre le contrôle, c’était la leçon du jour. Mais l’homme était vieux, Sacha entraîné au combat, et la perspective de manger valait toutes les entorses à la prudence. Et puis le chiot avait l’air si heureux… Aurait-il été si spontanément joyeux si l’homme était vraiment mauvais ? 

***
je t’aurais bien embarqué à Paris avec moi. 
– Pour quoi faire ?
– Tu serais parfait dans le rôle du faire-valoir. Tu traînerais partout avec moi, tu ferais genre y a que moi qui t’intéresse, et comme ça, tous les autres se demanderaient ce qu’un gars aussi beau peut bien me trouver. Et là… tout à coup, ils verraient en moi plein de qualités. Le faire-valoir, c’est l’arme des moches ! 
– T’es pas moche.
– Je suis grosse.
– Oui, t’es grosse.
– Merci beaucoup pour ton soutien.
– Mais je vois pas le rapport entre être moche et être gros.

***
Mon rêve perso ? Je joue à la fille forte, qui assume ses kilos et j’emmerde tous les grossophobes. Mais la vérité, c’est que moi aussi, je suis grossophobe. Je déteste mon corps, je le hais, sauf que je ne peux pas le tuer, tu comprends ? Mon rêve à moi, c’est d’avoir une fermeture Éclair qui me permettrait d’enlever le manteau de gras qui m’étouffe. Voilà, c’est ma prison à moi, celle que la société a construite dans ma tête. 

***
Il opte finalement pour un petit bourg, pas trop grand, pas trop petit, proche d’une zone touristique pour que les gens soient habitués aux nouveaux visages, mais où la vie est suffisamment calme pour que les gendarmes n’y patrouillent pas. Il se représente mentalement les cartes du secteur pour identifier le bourg parfait. Novalaise, voilà sa destination. 

Illustration de couverture : Frédérique Renoust
Éditeur : Didier Jeunesse - 20 octobre 2021
256 pages ;15.90 € ; 12 ans et + 





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