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jeudi 15 juin 2023

Galère ! - Susie Morgenstern

Oh, que j'ai aimé ce roman, inclassable.

Je ne m'attendais certes pas à lire une histoire de mafia sous la plume de Susie.
À la fois suspense, histoire et secrets de famille, mais surtout le contraste entre USA et France, sous la plume d'une autrice qui est sans doute celle qui peut le mieux en parler.

Susie Morgenstern, je l'adore à l'oral, un des auteurs que j'ai le plus de bonheur à écouter (avec le regretté Mario Ramos). À l'écrit, c'est variable, je n'ai pas particulièrement apprécié La Sixième, ni Terminale, tout le monde descend ou Premier amour, dernier amour. J'ai adoré L'autographe, et bien sûr Lettres d'amour de zéro à dix, et aimé plein plein d'autres, je ne vais pas détailler ici la cinquantaine que j’ai lus.

Celui-ci prendra place parmi mes préférés.
Alex doit quitter le Connecticut pour la France au décès de son père. Galère ! C’est le seul mot de français qu’il connait, et ça résume bien sa situation.
Tout est différent de sa vie aux USA, tout est galère. 
Il va devoir s’adapter à une vie si différente et tellement plus grise.
Il va devoir aussi découvrir des secrets de famille, qui le mettent en danger.

Peu à peu, sa vie va prendre d’autres couleurs.
J’ai tout aimé dans ce roman aussi bien le côté aventures, les personnages, les relations entre eux, que la description de la difficile adaptation d‘Alex à un monde si différent.
Malgré les côtés négatifs, Susie a su faire sa vie en France. Alex devrait y arriver aussi !

Extraits : [Je sais, j'en ai trop noté, mais j'avais envie de garder souvenir de tout le texte !!]

Toujours selon les instructions, Yacine me conduit à pied jusqu’au lycée. Le bâtiment est menaçant et hostile, comme une institution : un orphelinat, une résidence du troisième âge, un centre pour les filles-mères, un abri pour les lépreux. Il vaut mieux ne pas penser à mon ancien lycée, West Hill High School avec ses vastes pelouses, ses arbres centenaires, ses buissons fleuris.
J’ai toujours aimé l’école, source d’amitié, d’activité, d’ébullition et de connaissance. Oui, c’est cucul, ce sont les mots qui ont servi pour mon discours à la fin de l’école primaire. À West Hill, il y avait un auditorium pour les spectacles, des terrains de sport : le foot (américain), le tennis, des pistes de course, une piscine, une cafétéria où la pizza et les frites côtoyaient les salades, les légumes et les fruits. J’y avais mes meilleurs amis et les profs, à part un ou deux, étaient d’un dévouement sans faille. Les prix exorbitants de West Hill nous permettaient d’avoir un lycée aussi équipé qu’un Club Med.

***
– Toi qui veux être psychiatre, à ton avis, pourquoi tant de secrets ? Pour moi, la vie est une invitation à partager les secrets. Pourquoi se cacher les uns des autres ?
– C’est beau, un secret. Une énigme, un mystère. Cela entretient la théâtralité diabolique de la vie. Dévoiler les secrets, trouver cette vérité éventuelle, pourrait être un but dans la vie. Sans secret, il n’y aurait rien à chercher, non ?

***
Comment la France démolit la musique

Ça s’appelle le solfège !
J’ai commencé le piano à quatre-cinq ans. À dix ans, on disait de moi : « C’est un virtuose. »
À quinze ans, je déchiffre bien et, sans vouloir me vanter, d’après mes profs, je joue bien. Je joue surtout avec plaisir.
Et je n’ai jamais étudié ce maudit solfège de malheur ! Quelle galère !
[…]
Ici, pour avoir le droit d’étudier le piano, le solfège est obligatoire. Et le solfège, c’est un aller sans retour pour l’enfer.
Alors, en plus de ma leçon de piano, je suis condamné à cette horreur horrrrrible qu’on nous impose comme une punition supplémentaire dans une vie qui en est déjà remplie.
Si on joue un instrument pendant plus de dix ans (et même moins), pensez-vous que l’on ne sache pas lire une partition de musique ? Pensez-vous qu’on ait besoin de cette torture, cette méthode qui consiste en des exercices de lecture et de dictées musicales ? On est censé savoir qu’un do est un do ! On doit subir l’humiliation d’aller devant la classe et de lire les notes sans les jouer. La France aime davantage la théorie que la pratique, comme si jouer ne suffisait pas pour maîtriser le rythme et l’interpréter.
Le solfège est inutile et ennuyeux. Combien de bons musiciens potentiels quittent le conservatoire à cause du solfège ? Heureusement que le conservatoire n’est pas le seul endroit pour apprendre la musique.

***
Les comédiens français n’apprennent pas à articuler et chaque fois que je mendiais une explication à Victor, il haussait les épaules comme pour dire : «Aucune idée !» Galère !
Après, nous nous sommes installés dans un café. Pour être honnête, je ne pense pas qu’on aurait pu stationner à une table en Amérique pendant deux heures, sans qu’on ne nous harcèle pour consommer. Le café est une institution française que j’admire, un havre de paix dans la ville.

***
Maintenant je connais le mécanisme, je n’attends plus rien des professeurs qui sont là pour gagner leur vie plutôt que d’enrichir la nôtre.

***
Sauf au lycée. Je me suis fait quelques amis et j’ai retrouvé mon statut de bon élève, mes journées dans le système sont donc devenues supportables, mais jamais agréables. Pourquoi ne sont-elles pas agréables ? Ne peut-on pas éprouver du plaisir à apprendre ? Le lycée doit-il être une punition, même dans le meilleur des cas ? Critiquer, est-ce un mal ? Désirer que ce soit différent, est-ce un crime ?
Je sais que l’on ne peut pas importer une culture, une mentalité, une histoire, une infrastructure, mais ne peut-on introduire quelques détails pour améliorer l’ambiance et créer de la joie entre ces murs austères ?
Il ne s’agit pas d’un investissement financier ou du recrutement de personnel. Tout ce que nous demandons, ce sont quelques plages de liberté dans la journée scolaire.

***
Le couscous est réjouissant, je crois que ce plat va devenir mon repas d’anniversaire annuel. Avec mon père, c’était le meatloaf et les pommes de terre au four. Le couscous avec ses couleurs, ses épices, son abondance est un chef-d’œuvre gastronomique. Une raison de vivre !

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Ils préfèrent sûrement, comme tout le monde, regarder des films et des séries sur la mafia plutôt que de se promener en tuant des gens. Pandémie de paresse, dans ce cas, si c’est vrai, c’est une amélioration.

Éditeur : Thierry Magnier - 24 mai 2023
256 pages ; 16,20 €
Lu en numérique via NetGalley que je remercie.





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