Commence de façon assez classique. Mélissa 17 ans, déménage pendant les vacances. Furieuse de quitter son lycée, ses copines, son inséparable amie Camille. D'autant plus qu'elle a quelques problèmes avec son poids et son image, et craint d'avoir du mal à s'intégrer. Et ça va s'avérer bien pire que tout ce qu’elle pouvait craindre.
La première partie semble assez classique, mais Carène Ponte se glisse étonnamment dans la peau d'une lycéenne.
Au fil des lignes, j'ai retrouvé des souvenirs, mais surtout des sensations de mon adolescence, pourtant fort lointaine, et pas du tout concernée par ce problème de poids.
Mais tout est tellement juste, tellement bien évoqué qu'on replonge immédiatement dans cette période.
Au passage, je m'interroge, dans chaque roman où une scène de ce genre apparaît, sur la cruauté des professeurs de sport, qui semblent de génération en génération s’obstiner à faire constituer les équipes à chaque cours par deux leaders, qui appellent les élèves dans l'ordre de leur préférence. Ce qui crée un malaise énorme pour ceux qui ne sont jamais choisis, qui ont déjà des problèmes par ailleurs, et qu'on enfonce délibérément. Ces professeurs n'ont-ils jamais été ados ? C'est anecdotique dans un livre tellement fort par ailleurs, mais tellement condamnable pour des jeunes qu'on désespère un peu plus à chaque petite attaque.
Et puis, après un début intéressant, le roman s'accélère soudain, et on ne peut plus lâcher Mél, à la fois angoissé et plein d'espoir pour elle.
Des rencontres qui lui ouvrent des horizons, vont-elles enfin être positives, amitié, amour ... ou finir de l'enfoncer dans son mal-être ?
Un brin de fantastique, qui n'en est pas vraiment mais qui donne une originalité au roman, et surtout, qui donne sans doute des pistes pour s'en sortir.
Un livre sur le harcèlement scolaire comme je n'en avais jamais lu, qu'il faut absolument mettre entre toutes les mains.
Celles des harcelés, parce qu'il aide à voir qu'on n'est pas seul, et qu'il est possible de s'en sortir. Celles des harceleurs ; pour les meneurs, je n'espère guère qu'une lecture suffira pour leur faire comprendre la cruauté de leur attitude, mais peut-être pourrait-on toucher les "suiveurs", ceux sans qui le harcèlement ne pourrait être mené, ceux qui suivent parce que ça leur paraît drôle, ou surtout parce que c'est plus facile d'être dans le camp de la méchanceté que de se retrouver de l'autre côté (et ça bascule vite).
Celles des adultes, famille et écoles, qui ne voient rien, n’entendent rien, ou ne veulent rien voir car ils ne savent pas trouver des solutions.
Un tout petit passage qui pourrait passer inaperçu, mais pourtant révélateur de cette cécité volontaire des adultes : lors du voyage scolaire, les bagages de Mélissa sont perdus, elle se retrouve donc sans rien. Non contents de l'avoir installée dans la chambre de ses pires ennemies (est-ce donc trop difficile de repérer ça en classe ?) les profs lui conseillent de demander à se faire prêter des vêtements par les filles de sa chambre, sachant qu'elles sont toutes minces contrairement à Mélissa.
Il est intéressant aussi de montrer qu'au delà du harcèlement, il est important de travailler sur l'image qu'on a de soi, qui peut nous entraîner dans le bon ou le mauvais sens, même s'il n'est pas question de se sentir responsable de ce qu'on subit.
Important de lire aussi que parfois, on peut consentir à quelque chose mais parce que quelqu'un a pris la domination sur vous (j'ai un peu de mal à exprimer cela sans trop dévoiler de l'intrigue, mais c'est extrêmement bien rendu)
J'ai découvert Carène Ponte en lisant Avec des Si et des Peut-être que j'ai beaucoup aimé, mais je ne m'attendais pas ici à un livre de cette intensité, ni à certains rebondissements, je n’ai vraiment pas pu le lâcher.
J'admire l'autrice d'avoir probablement mis autant d'elle dans ce roman. Il n'a pas dû être facile à écrire.
Ce doit être la réédition de Mélissa sac à gras, paru en numérique en auto-édition. Je félicite les Éditions Michel Lafon d’avoir décelé cette pépite dans les méandres du net, et de le mettre ainsi à disposition du plus grand nombre.
Avec une courte postface donnant des pistes pour chacun, pour lutter contre le harcèlement.
La chronique de Ramettes ici
Extraits :
- Mais je ne vais pas jeter mes livres ! Ils sont à moi. Tu te rends compte que jeter un livre, c'est un sacrilège ? Tu n'as qu'à pas m'obliger à déménager. Moi, je n'ai rien demandé à personne. Si je ne déménage pas, ça règle la question !
***
Le reste du temps, je préfère ne pas me voir. Je vis déjà vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec mon corps, inutile d'ajouter l'image aux sensations.
Mes autres lectures de Carène Ponte :
D'ici là, porte-toi bien
Vous faites quoi pour Noël ?
Avec des Si et des Peut-être
Préface de Marie Vareille
Postace de l'autriceÉditeur Michel Lafon - Sortie 15/11/2018 - NOUVEAUTÉ
Collection poche - 253 pages - 6.60 €
Résumé Babelio
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