jeudi 8 février 2018

La porte du ciel - Dominique Fortier

Très partagée sur ce roman.
Il aborde plusieurs sujets qui m'ont bien intéressée :
- La vie dans le Sud des Etats-Unis au moment de la guerre de Sécession, vie des Blancs, opposés à l'Union, ou opposés à l’esclavage, vie des Noirs, esclaves ou presque.
- La relation entre deux enfants puis jeunes filles l'une blanche de bonne famille, l’autre métisse, qui aura un statut mal défini.
- la guerre de Sécession
- un aperçu du Ku Klux Klan
- L'histoire des courtepointes (que j'avais découvert dans le très beau roman de Tracy Chevalier La Dernière Fugitive )

Mais je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, on saute des périodes, on passe dans le présent pour repartir dans le passé, je suis toujours un peu restée "à l'extérieur".

Pourtant, la vie de cette mère noire à qui on enlève un à un ses enfants est plus qu'émouvante.



Le sujet central, la petite fille noire déracinée puis sauvée de l'esclavage, qui va attacher sa vie à la Blanche, m'a énormément attirée, mais déçue. Pas un instant dans le livre elles ne semblent s'adresser la parole, on ne sait en fait rien de leur relation, on a l'impression de passer à côté du sujet.
Eve suit Eleanor lorsque celle-ci se marie. Mais à aucun moment on n'entend la voix de la belle-mère, pourtant très critique, et tout à fait Sudiste, interroger sur le statut d'Eve, qui aide sans être vraiment domestique semble-t-il.

Les descriptions des courtepointes, éléments importants de l'histoire, ne m'ont pas suffi pour les imaginer, et je n'ai pas réussi à les retrouver sur le site de l'éditeur, comme indiqué à la fin du livre.

 Au final, beaucoup de choses que j'ai eu plaisir à lire, mais je regrette de n'être pas entrée dans l'histoire.

Extraits :

Le Nègre bien sûr est fait pour travailler : il n'est besoin que de le regarder pour s'en convaincre. Qui peut dire qu'il n'est pas plus heureux ainsi que livré à une liberté dont il ne saurait que faire ? Rendez sa liberté à un mouton de votre troupeau, et il reviendra en bêlant à la bergerie, s'il ne va pas se casser le cou au bas d'une falaise. Dieu a voulu les brebis protégées par le berger et l'esclave protégé par son maître. Personne n'a le droit de nous empêcher d'exercer Sa volonté, et si le Nord prétend nous spolier de la sorte, nous le quitterons sans regret comme on doit savoir couper un membre gangrené pour éviter que la maladie ne gagne le reste de l'organisme !

***
[Initiation au jeu d'échecs]
"Je vais prendre les blancs", continua Eleanor. Puis, comme si elle s'en avisait tout juste : "Ce sont toujours eux qui commencent."
Cela allait de soi.

***
Dans certaines villes, les volontaires se pressaient pour rejoindre les rangs tant de l'Union que de la Confédération, s'étirant en deux longues files d'un côté et de l'autre d'une même rue, frères, cousins, voisins se saluant de la main avant de prendre les armes les uns contre les autres.

***

Ceux qui partent ne reviennent jamais, même quand ils reviennent.

***
Des hommes à Philadelphie s'étaient rassemblés pour déclarer leur indépendance, ils avaient couché sur le papier ces mots disant que les hommes avaient été créés égaux et que chacun avait le droit de chercher le bonheur, et puis ils étaient rentrés chez eux, où il faisait bon auprès de leurs femmes et de leurs enfants. Les mots étaient restés là.

***
Il ne vous avait pas échappé, sans doute, qu’Ève avait un statut mal défini. On ne lui demandait pas de frotter les planchers, mais jamais il ne serait venu à l’esprit de quiconque de l’inviter à s'asseoir à table quand il y avait du monde à la maison. Elle prenait tous les jours le thé avec Eleanor, dont elle partageait les jeux, mais, après que son amie se fut tamponné les lèvres, Ève rapportait les tasses à la cuisine pour les laver.

***
Ses enfants disparus, vendus, enfuis, il ne restait plus qu'un fils auprès d'elle ; elle ignorait ce qu'il était advenu des autres, et même s'ils étaient morts ou vivants. Celui-là avait près de six ans, heureusement il était assez grand pour se débrouiller tout seul.



Autrice : Dominique Fortier (Québec)
Editeur : Les Escales (2017)
Collection : Domaine français - 247 pages
Résumé Babelio

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