vendredi 25 avril 2025

Riccardino - Andrea Camilleri

 
Quelle virtuosité ! Quelle belle façon de nous faire quitter Montalbano.
J'étais déjà admirative des romans de Camilleri  mais alors là ...
Une époustouflante mise en abyme.
Dans cette ultime aventure, pourtant écrite il y a vingt ans (et révisée plus tard) notre commissaire préféré se confronte à son auteur, dialogue avec lui, se dispute. Il essaie aussi de se démarquer de son double de cinéma. Avec un brin de jalousie, car lui vieillit avec l'auteur, et l'acteur est plus jeune.

On a, comme toujours, un bon polar, avec ce côté humaniste, ses dénonciations des dérives de la société, des liens avec la mafia, une critique peut-être un peu plus virulente de ceux qui représentent la religion.
Mais en plus ici, une réflexion sur la création, le lien entre l'auteur, ses personnages, et leurs décisions. 
Le tout avec la légèreté et le bonheur d'écriture de Camilleri. Jamais pesant, toujours drôle même quand c'est triste. Avec un langage un peu plus cru me semble-t-il.
Bref, un bijou, qui nous fait encore plus regretter que Camilleri et son personnage se soit effacés de notre univers littéraire, même s'il reste les romans, voire même les films pour se retrouver un peu sur la plage de Vigàta.

Un roman  qui commence déjà très fort, puisque d'entrée, Montalbano en sait plus que les témoins directs du meurtre, grâce à un coup de fil providentiel mais très perturbant. 

J'y ai découvert l'intéressante expression sicilienne "Pris par les Turcs".
Et aussi cette tradition tellement émouvante : Entre Toussaint et Jour des Morts, les fantômes des personnes aimées reviennent apporter des cadeaux aux enfants.
Avec ce tendre et cruel dilemme : dormir pour avoir des cadeaux, rester réveiller pour revoir, juste une fois, une maman disparue bien trop tôt.

Un bel hommage que cette édition, en cette année où l'auteur aurait eu cent ans (le jour de mon anniversaire !!)

Extraits :

Tu veux savoir l'unique solution, Montalbà ?
L'unique solution est que quand on diffuse la série qui porte ton nom, toi, tu éteignes la tilévision, tu sortes de chez toi et tu ailles au cinéma voir un film de Mickey. 

***
Si la coucourde d'un curé est, comme on sait, plus tortueuse  et compliquée que celle d'un quidam normal, imaginez les dédales, circonvolutions, méandres, zigzags dont devait être composée celle d'un prêtre qui avait réussi à devenir évêque ?

***
Avait-il la lucidité nécessaire pour se confronter avec un évêque qui possédait, imprimée dans son ADN, la mémoire de la Sainte Inquisition ?

***
Caro Salvo : tu es un enquêteur éthique. Et d'éthique, c'est précisément ce dont nous allons avoir le plus urgent besoin, autant que d'air et d'eau, (et de cannoli) dans les temps qui viennent.

***
- Montalbà, tu passes tes journées à répéter que tu te sens vieux, alors que moi, je le suis pour de bon. Et je suis aussi un peu fatigué.
- Que signifie c'te discours ?
- Qu'écrire commence à me fatiguer. Et que je veux trouver tout de suite une solution à cette enquête.
- Mais c'est moi qui doit la trouver, pas toi !

***
Mais allons ! Cela faisait des siècles et des siècles que les curés commandaient dans notre pays !

***
Aussitôt un dialogue animé se déroula au-dessus de sa tête.
- Talè ! Talè ! Mate ! Mate ! U commissariu arrivò ! Le Commissaire arriva !
- Montalbano, c'est !
- Cu ? Montalbanu ? Çui-là de la télé ?
- No, chiddro veru, Non, le vrai ! 

La dernière enquête de Montalbano
Titre original : Riccardino
Traduit de l'italien (Sicile) par l'excellent Serge Quadruppani
Éditeur : Fleuve éditions - 10 avril 2025
Collection : Fleuve noir ; 288 pages ; 20.90 €
Lu en numérique via NetGalley que je remercie

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