jeudi 27 mai 2021

L'autre bout du fil - Andrea Camilleri

Du grand Camilleri.
D'entrée, on passe de la profonde tristesse, débarquement de migrants, un jeune mort noyé, à l'humour le plus léger, la visite de Montalbano chez la couturière / tailleur est un vrai bonheur.
J'aime beaucoup la langue et l'humour de Camilleri, et celui-ci, hélas je crois bien le dernier, est encore meilleur que les précédents il me semble. Et je suis toujours aussi admirative du travail de Serge Quadruppani, le traducteur.
Ce mélange de phrases atypiques, de mots qu'on finit par attendre, avec une petite musique surprenante, et de termes qui me rappellent (j'ai failli écrire "qui m'arrappellent" !) mon Midi natal, un vrai régal. 
Mais le plaisir ne s'arrête  pas là.
On a à la fois un vrai bon roman policier, suspense, énigmes, fausses pistes et vrais suspects, avec en prime une explication détaillée à la fin ; des personnages vivants, à la personnalité affirmée, avec une vie en dehors du fait divers qui nous occupe ; et comme je le disais, un bel humour, léger, mais qui m'a amené le sourire aux lèvres à de très nombreuses reprises, alors que l'histoire est en fait assez sombre.
Sans compter qu'il est beaucoup aussi question de nourriture, et qu'on emprunterait volontiers à Salvo sa cuisinière ! Rien qu'en repensant à tous les plats dont elle le régale, une grande faim me revient 😄
Et puis, Rinaldo tient un rôle assez important, et Rinaldo est... un chat.

Un roman très actuel donc, puisqu'en parallèle de l'énigme policière, nous entrons dans le quotidien des débarquements de migrants qui se succèdent sur la plage et dans le port. Où la population doit gérer l'arrivée de centaines de malheureux chaque nuit, avec les drames qui les accompagnent.

Je m'abstiens de vous donner un  résumé, tout est important dans ce roman, et je ne voudrais pas en dévoiler trop. 
Je vous mets comme d'habitude un lien vers le résumé sur Babelio si vous voulez en savoir plus.
Hélas, une fois encore, le résumé de l'éditeur dévoile ce qu'on ne devrait découvrir qu'au tiers du roman. 
Alors, vous pouvez peut-être vous contenter de savoir que ce roman est excellent !! 


J'ai trouvé très émouvant de lire en postface :
Je souhaite remercier Valentina Alferj qui m'a aidé à écrire ce livre, non seulement matériellement mais en intervenant aussi de manière créative dans son élaboration. En d'autres termes, sans elle, du fait de la cécité qui m'affecte désormais, ce livre (et j'espère les autres qui suivront), n'aurait pas pu être écrit. 

Hélas, il n'y en aura pas d'autres.
Un grand auteur nous a laissés.

P.S. : Pour ceux qui n'auraient pas encore découvert le Commissaire Montalbano, je précise :
D'une part que cet opus peut parfaitement se lire indépendamment des autres. 
D'autre part que le recours parfois étonnant au dialecte sicilien ne gêne absolument pas la compréhension du texte. Comme le précise le traducteur, soit la phrase est compréhensible d'elle-même, par son sens ou par sa ressemblance avec le mot français, soit la traduction suit immédiatement la tournure dialectale. C'est très fluide, et je trouve qu'au bout d'un moment, on a tendance à penser comme l'auteur !!
J'ai plus été dérangée par quelques fautes et coquilles (mais hélas, il faut s'habituer, on en trouve de plus en plus).

Extraits :

- Permettez-moi de vous contredire, MONSIEUR le questeur. Ergoter, comme vous dites, est fondamental. Ces barques sont pleines de pauvres migrants, qui sont pour la plupart musulmans et si nous ne faisons pas la différence entre musulmans et militants de Daesh, nous ne ferons que contribuer à l'accroissement de l'ignorance et à déchaîner encore plus de panique et d'hostilité, faisant ainsi le sale jeu des terroristes eux-mêmes. 
Bonetti-Alderighi se tut. Mais juste un instant. 
- Trouvez-moi ce terroriste, bordel ! lança-t-il, mettant fin à la conversation sans dire au revoir. 
Deux mon cul, deux bon Dieu et un bordel en quatre minutes. Bonetti-Alderighi devait être vraiment dans tous ses états. 

***
Meriam et lui se mirent d'accord pour qu’elle conduise la minote dans la matinée au 'pital. 
Les deux policiers se pointèrent au commissariat qu'il était quatre heures du matin. 
Catarella était profondément endormi, la tête posée sur le comptoir. Montalbano le laissa dormir et passa dans son bureau tout en ordonnant à Fazio de tiléphoner au centre d'accueil pour avertir les parents de Leena que la minote allait être hospitalisée pour un contrôle qui, en tout cas, serait rapide. 
- Tandis que Fazio tiléphonait, Montalbano fut pris d’un doute : si aucun des cinq ne barjaquait un mot de "talien, comment les interrogerait-il ?

***
Trop de fois, il s'était retrouvé dans le rôle de l'oiseau de malheur, trop de fois il avait été contraint d'entrer dans la vie des gens avec des mauvaises nouvelles qui détruiraient leur existence. 
Et après toutes ces fois bien trop nombreuses, il n'avait toujours pas trouvé la bonne manière d'apporter c'tes nouvelles ou du moins de les rendre moins pénibles à lui-même. 

Titre original : L'altro capo del filo (2016)
Traduit de l'italien par Serge Quadruppani
Éditeur : Fleuve éditions - 20 mai 2021 - NOUVEAUTÉ
Collection : Fleuve noir - 288 pages - 19.90 €
Série : Commissaire Montalbano
Lu en numérique via NetGalley


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