J'avais tant aimé Bacha Posh que j'ai voulu lire celui-ci dès que j'en ai vu le résumé.
On alterne entre le roman, les courriers d'Elisabeth, les archives, et les explications de l'autrice sur le chemin qu'elle a parcouru sur les traces de l'héroïne. Et tout est aussi passionnant.
1926, Elisabeth est une jeune Bretonne assez émancipée pour être partie vivre et travailler à Londres.
Mais quand elle rencontre Naïm Khan, les charmes de la capitale, et même de son fiancé anglais, paraissent soudain bien pâles.
Beaucoup la mettent en garde : partir vivre dans un pays où les femmes n'ont aucun droit, et doivent rester constamment derrière le grillage de leur tchadri ? Insensé.
Mais tout autant que l'amour, et le conte de fée que semble être le mariage avec un prince afghan, ce qui l'attire, c'est l'idée de pouvoir faire avancer la cause des femmes.
Car la famille au pouvoir est progressiste, et elle pourra participer à leurs efforts.
Hélas, avant même qu'elle puisse mettre les pieds dans le pays, les choses changent brutalement.
Rien ne pouvait lui laisser entrevoir ce qu'elle allait découvrir, dans ces rudes montagnes.
Des années d'attente, des enfants dont certaines lui reprocheront de les avoir enfermées dans cette vie.
Des rares retours en France aussi. Mais toujours tu y retourneras lui avait dit la voyante.
Hélas, l'histoire est un éternel recommencement. Et les lueurs d'espoir d'il y a un siècle ne se sont pas confirmées. Ce roman a donc aussi une triste actualité.
À lire et à faire lire absolument. D'autant plus qu'il se dévore sans peine.
Extraits :
Avec un mari roi, poursuit Soraya, je me retrouve aujourd'hui dans la situation idéale pour agir. Et je n'ai pas l'intention de laisser passer cette opportunité. En ouvrant des écoles pour les filles, en en envoyant certaines étudier en Turquie, en autorisant les femmes à travailler et circuler librement, la tête découverte si elles le souhaitent, nous espérons qu'elles finiront enfin par obtenir une véritable place dans notre société.
[Soraya, reine d'Afghanistan de 1919 à 1929 ... il y a un siècle]
***
Sophia laisse ses yeux insatiables flotter sur l'océan. Elle n'aurait jamais imaginé que la vue de la mer lui procurerait une telle émotion. Plus que la présence mouvante de l'eau, c'est la ligne courbe de l'horizon qui la bouleverse. La sensation d'infini qui s'en dégage. À Kaboul ou Paghman, les deux seuls endroits qu'elle connaisse, son regard se heurte toujours aux montagnes, qui enserrent les perspectives, restreignent les possibles. Elle n'avait pas pensé qu'il pouvait en être autrement, qu'il existe sur terre des endroits où la respiration se fait plus ample, où les limites fondent jusqu'à s'évanouir.
[...]
Cet infini qui la comblait quelques minutes plus tôt lui paraît soudain d'une cruauté terrible. Le symbole d'une liberté dont certaines peuvent profiter, mais pas elle. Pas les Afghanes.
Éditeur : Julliard - 6 mars 2025 - 376 p. - 23.00 €
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