Une adorable série, féministe, historique, positive, et très bien écrite.
Du vocabulaire parfois soutenu mais accessible même aux
plus jeunes.
Le plaisir de croiser dans ces fictions historiques des personnages ayant existé, d'y voir des noms comme Zola, Baudelaire etc...
De découvrir la vie de la fin du 19e siècle : l'ancien Paris qu'on démolit, le nouveau Paris qu'Haussmann fait émerger, les premiers voyages en train, les durs métiers qu'on a oubliés, les logements minuscules où on s'entasse, l'absence de commodités.
Et les filles, qui n'ont comme perspective que de faire un beau mariage, quelles que soient leurs qualités et leurs capacités.
Mais j'aime pouvoir mettre entre les mains des enfants
des livres bien écrits, qui leur apprennent beaucoup, tout en apportant un vrai
plaisir de lecture.
Et cinq filles, avec des personnalités affirmées, des
rêves plein la tête et pas mal de volonté.
Qui adorent leurs parents mais n'ont pas l'intention de
suivre le chemin qu'ils leur tracent.
Au début de la série, Amélie a 16 ans, Marthe 15, les
jumelles Suzanne et Joséphine 12, Pascale est la petite dernière.
Les deux aînées travaillent avec leur mère, et aspirent à
pouvoir vivre un peu.
Les tomes se lisent de préférence dans l'ordre, parfois
les dates se chevauchent un peu.
Comme pour toute série, il est préférable au moins de
commencer par le premier, qui pose lieux et personnages.
Attention : je vous présente ici tous les tomes, alors, je risque de divulgâcher quelque peu si vous n'avez pas commencé la série.
1. Amélie
Amélie, l'aînée, souhaite s'évader un peu de la maison,
où elle aide sa mère dans son travail de couturière. Elle est heureuse de se
faire embaucher par Mme Luchon, une modiste.
Son travail lui plait et elle s'avère douée.
Si les petits commerçants déplorent tous l'ouverture de
Paris-Nouveautés, grand magasin qui risque de les faire disparaître, rares sont
les personnes qui résistent à y entrer, puisque, grande révolution, on peut
entrer même sans intention d'acheter, juste pour admirer les merveilles qui y
sont exposées. Et avec des prix fixes, pas comme les chapeaux de Mme Luchon,
dont le prix est choisi en fonction des revenus et de la cliente, et de
l'importance qu'elle accorde à cet achat.
Amélie aura finalement la chance de découvrir de
l'intérieur ce si nouveau style de magasin.
Et peut-être d'y croiser le fantôme qui effraie les
vendeuses ?
-[…] Mais c’est le plus grand hôtel de Paris. Il est tout
neuf : six étages et sept cents chambres qui ont chacune une salle de bains
avec une grande baignoire dans laquelle on peut mélanger l’eau chaude et l’eau
froide.
-Non ?! Chaque chambre a sa salle de bains ?
-Parfaitement, et même un coin d’aisance !
[…]
Et puis, ajoute-t-elle d’un ton gourmand, figure-toi
qu’il y a un ascenseur !
-Un quoi ?
-Un ascenseur… Une sorte de cabine qui monte et qui
descend les étages sans qu’on ait à gravir des escaliers ! Le luxe suprême ! Un
jour, je te montrerai…
***
- Mais pourquoi donc voulez-vous vous encombrer d'un homme ? s'agace Pascale en haussant la voix et en brandissant une cuillère en bois. Être libre, indépendant, c'est bien mieux !
- Être vieille fille, tu veux dire ? C'est mon pire
cauchemar ! s'offusque Joséphine en faisant une mimique si comique que ses
sœurs éclatent de rire.
2. Marthe
Dans ce volume, on reprend la vie de la famille Nodès peu
après le début du tome 1 (et non pas à la suite du précédent).
Cette fois, c'est Marthe, la deuxième fille, qu'on suit
de plus près.
Elle vient d'être embauchée comme blanchisseuse. Contente
de sortir un peu de chez elle, de voir d'autres personnes que sa famille. Mais
le travail de blanchisseuse est très dur.
Et puis, son rêve à elle, c'est de chanter.
Elle ose même se lancer dans la rue. Une époque où si la
vie était bien plus dure que maintenant, il y a avait quand même plus de
liberté "d'entreprendre".
Par chance sa tante, celle dont on évite de parler dans
la famille car elle a mal tourné puisqu'elle tient un café, va l'aider dans ses
choix.
Encore des choses à taire à leurs parents, qui, même
s'ils sont gentils, aspirent pour leurs filles à une vie toute tracée comme la
leur.
Chez sa tante, elle rencontre Manet, Baudelaire, et
autres artistes. Il est même question de Zola, encore débutant. Une jolie façon
d'évoquer des noms intéressants à connaître pour les jeunes lecteurs.
J'ai juste regretté que, s'il y est question de la
"Fée verte", on n'y mentionne pas du tout combien c'était
dangereux.
On découvre aussi la vie de moins chanceux que nos
héroïnes, et Paris en pleine transformation.
Tante Jeanne se redresse et me fixe très sérieusement :
- Ne dis pas ça ! Ne dis jamais ça !
Sinon, ça voudrait dire que tous nos combats sont perdus d'avance.
***
- Marthe, j'ai le grand privilège de te présenter M.
Manet, un peintre talentueux, et son ami M. Baudelaire, qui nous ont fait
l'honneur d'assister à notre spectacle.
[...]
- Je reviendrai avec mon jeune ami Émile Zola. Le pauvre
a échoué au baccalauréat. Il ne s'en remet pas et un peu de distraction lui
sera salutaire.
Le tome le plus improbable de la série, mais toujours
autant de plaisir à découvrir cette fin de siècle avec la famille Nodès.
Ça y est, le moment redouté est arrivé, ils doivent
quitter le minuscule appartement où ils ont toujours vécu, quitter leur
quartier. Ils seront mieux installés, quel confort ces logements neufs avec des
commodités sur le palier pour seulement huit appartements. Mais quel
déchirement.
Et tout particulièrement pour Joséphine qui va découvrir
un grave secret de famille. Si nous l'avions vu arriver au fil des pages, c'est
pour elle un cataclysme que rien ne lui laissait prévoir.
Au point qu'elle s'enfuit de chez elle, à la recherche de
sa vérité, ou surtout pour arriver à surmonter son désarroi.
Et c'est là que ça devient surprenant, mais amusant :
elle va entrer dans l'intimité de la famille impériale, et Monseigneur, le
prince Louis (mais appelez-moi Loulou) ne veut plus la quitter.
Et c'est le monde des fleuristes qu'on découvre dans ce
tome, après les vendeuses de mode et les blanchisseuses.
On n'oubliera pas Rozenn, qui toute jeune vient
régulièrement à Paris vendre ses choux. Et qui retourne dans sa Bretagne au
hasard du transport qu'elle va pouvoir dénicher pour la ramener seule.
- Tout le monde aime les fleurs, grommelle Rozenn... Mais
je préfère manger un bon chou qu'un bouquet de roses !
- Je me permets de venir à vous, monseigneur,
commence-t-elle, parce que j'ai un cadeau à vous remettre de la part de ma
mère, la comtesse de Ségur.
Elle tend un livre à l'enfant qui s'exclame :
- Oh, je connais déjà Les nouveaux contes de fées de
Mme de Ségur, je les ai beaucoup aimés.
- J'espère que Les petites filles modèles qui
narre la vie mouvementée de mes filles Camille et Madeleine de Malaret vous
plaira tout autant.
4. Suzanne
Déjà le 4e tome de cette mignonne série, et mon préféré
(pour le moment, puisque je n'ai pas encore le dernier, qui vient juste
de paraître).
Suzanne, c'est la deuxième jumelle, celle qui adore
l'école, et rêve de devenir institutrice.
C'est aussi celle qui ne peut jamais jouer avec les
autres, ni les suivre dans leurs activités, à cause d'une jambe plus courte qui
la rend à la fois boiteuse et fragile.
Si le roman commence comme une histoire assez banale de
harcèlement (rien de nouveau sous le soleil, même si les rézosociaux ont
amplifié le phénomène et son impact.) il devient rapidement très intéressant.
Féminisme, inventions, rencontre d'un médecin ouvert et
intelligent, origines sociales et ethniques.
Plusieurs problématiques sont abordées avec ce texte
simple et agréable.
Je l'ai dévoré.
On continue à partager la vie de cette période pas si
lointaine que ça, et pourtant...
Les enfants vont apprendre combien tout était différent.
Joséphine, à plus de 12 ans, va pour la première fois
découvrir la campagne ... à Rambouillet. Si différente de sa vie en ville.
Même les cours dans son école sont surprenants pour nous.
Un très bon petit roman que je conseille, et qu'on lit
vraiment avec plaisir.
Extraits :
***
- Pourquoi je ne pourrais pas me mettre en pantalon quand
je sors ? rumine-t-elle. C'est tellement plus pratique !
- Tu sais bien que c'est interdit, lui répond calmement
maman.
[...]
- Il y a des femmes qui en portent presque tout le
temps, et qui revendiquent le droit de le faire !
[...]
- La peintre Rosa Bonheur ou l'écrivaine George Sand.
Et voici la fin de cette chouette série.
La petite dernière, Pascale, refuse comme ses sœurs une
vie toute tracée, et coudre avec sa mère.
Mais son rêve à elle est encore plus difficile : devenir
tailleur de pierre ! Quelle idée pour une fille, en 1860 ! (Déjà que même
maintenant, ce ne serait sans doute pas évident !!)
Revoilà Gaspard, qui se souvient comme elle avait su se
faire passer discrètement pour un garçon, afin d’aider sa sœur.
La tante Jeanne est toujours là pour aider ses nièces.
En plus d’un joli plaidoyer féministe, on a ici un bon
roman d’aventures et de suspense.
Nos deux amis, qui deviendront vite un trio, vont mener
une enquête trépidante et bien dangereuse.
Mais qui leur permettra, et qui nous permettra aussi, de
découvrir des lieux prestigieux, Notre-Dame de Paris, le Mont Saint-Michel,
Carcassonne, au temps où Viollet-le-Duc les restaurait.
Et de croiser le nom de quelques autres personnages moins
connus mais importants.
J’ai un peu regretté la chute finale (mais moins que
Pascale !!) mais je regrette surtout de quitter les filles Nodès, cette série a
vraiment tout pour plaire !
[Carcassonne]
Je dois aller […] voir si toutes les masures construites
contre les remparts ont bien été démolies.
- On a démoli des maisons… comme Haussmann a démoli les
habitations trop vétustes où nous habitions à Paris ?
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