lundi 5 mars 2018

Little sister - Benoît Séverac

Un beau texte, et un roman un peu surprenant par sa forme.
J'ai beaucoup aimé cette lecture, même si je ne m'attendais pas tout à fait à ça.
4 narrateurs, mais il ne s'agit pas ici comme souvent de les écouter à tour de rôle. ils se succèdent, en quatre parties aux longueurs très différentes, mais différentes aussi par le style et ce qui se passe.

La première moitié du livre, la plus intéressante à mes yeux, est racontée par Lena.
Depuis que son grand frère est parti, sans que rien ne permette de s'y attendre, faire le djihad en Syrie, et a été filmé en train de tuer, sa vie est devenu un enfer.
Non seulement elle a perdu un frère très aimé, mais elle a perdu aussi tous ses amis, sa vie, son nom même. Puisqu'avec ses parents ils ont dû déménager et changer de nom pour n'être pas sans cesse montrés du doigt. Elle n'ose plus inviter aucune amie chez elle, elle est totalement isolée dans une région qu'elle n'aime pas.

Intéressant d'aborder le problème par la famille, dont on parle peu en général, mis à part pour se dire qu'ils auraient pu élever autrement leurs enfants. Lena est une vraie victime, d'une situation dont elle ne voit pas le bout.
Avec toujours en fond cette interrogation, son frère est-il vraiment aussi coupable qu'on le dit, a-t-il été obligé, pourquoi s'est-il trouvé là ... Elle l'aime et a du mal à le croire condamnable, après avoir passé toute sa vie avec lui.



Quand elle a l'occasion de le retrouver, et qu’elle court à sa rencontre, pleine d'espoir que ce soit pour une bonne nouvelle, la parole passe à Théo, ex-ami de son frère, le seul avec qui elle avait gardé le contact.
Et on bascule dans un roman plutôt d'aventure, avec son lot de rencontres imprévues, et de suspens.

Puis la parole passe à Joan, rencontré tout à fait par hasard et qui s'est mis en tête de les aider, à la fois parce qu'il est ému par ce qui se passe, et aussi pour retrouver un peu de l'action de sa jeunesse.
Le parallèle avec la Guerre d'Espagne, épisode sans doute trop peu connu de nos ado, est très intéressant. Et montre bien que toutes les causes ne se valent pas. C'est très bien présenté.

Le dernier narrateur nous présente en un court chapitre la fin de l'aventure. Et remet en quelque sorte en place les épisodes précédents.

Si je disais au début que ce roman m'avait un peu surprise, c'est ce côté aventure inattendu, et le côté finalement un peu léger de l'ensemble.
Que j'ai apprécié, ceux qui me suivent savent que j'aime les belles histoires pas trop dures. J'avoue que j'ai commencé celui-ci avec un peu d’inquiétude, et finalement, j'ai apprécié qu'il soit plus léger que je ne craignais.

Ce ne sera pas mon préféré de Benoît Séverac, dont j'avais énormément aimé Silence, et sa suite Le garçon de l'intérieur, et aussi L'Homme-qui-dessine, mais c'est un bon livre pour ado, qui permet de se poser pas mal de questions, et d’ouvrir des discussions.

Benoît Séverac écrit aussi au rayon adultes, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de découvrir ce côté-là.

Lisez aussi la très belle chronique de Ramettes 

Extraits :

Incipit :
Avant, je m'appelais Lena Rodriguez.

***
C'est difficile d'en vouloir à un grand frère qu'on aime, difficile aussi d'aimer un frère à qui on en veut autant.

***
Dans les affaires de terrorisme, sache-le, les membres de la famille sont considérés comme des suspects potentiels, pas comme des victimes. C'est terrible, c'est injuste, mais c'est ainsi.

***
Davantage que ses mots, c'est son regard qui me fait froid dans le dos. Il n'y a au fond de ses yeux plus rien d'humain au sens où nous l'entendons, plus de sentiments, mais pire que tout, plus de doute. 

***
Qui aurait cru que j'aurais à me battre contre des musulmans, moi qui, en tant que révolutionnaire, ai toujours défendu la cause palestinienne, pris le parti des peuples opprimés par les empires coloniaux, combattu le racisme pour ce qu'il était, une énième forme d'oppression ? Me voilà, comme tout le monde, pris dans une guerre dont je ne veux pas parce qu'elle nous divise au lieu de nous unir, mais que nous devons mener parce que les véritables fascistes, ce sont les fondamentalistes islamistes désormais. 
Dire que j'ai passé clandestinement des moudjahidin afghans au Maroc à une époque, et que mon père a aidé le FLN pendant la guerre d'Algérie ! Ceux-là se battaient contre l'occupant ! Les mollahs d'aujourd'hui exterminent leur propre peuple. On ne sait même pas ce qu'ils veulent.
Si mes compagnons de lutte, ceux qui sont morts sans voir la fin du franquisme, voyaient ce que sont devenus les pays qu'ils ont aidés à se soulever, ils se retourneraient dans leur tombe. 

Syros 2016 - 200 pages
Résumé Babelio

1 commentaire:

  1. J'ai découvert cet auteur ace roman en avril-mai 2017. Je l'ai vu en vrai au salon du livre de Narbonne. Ce roman à été une surprise comme pour toi. Là je viens de finir :une caravane en hiver " j'ai beaucoup aimé. C'est deux romans font réfléchir sur des sujets actuels.

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