mardi 20 novembre 2018

Lady Susan, suivi de Les Watson, Sanditon - Jane Austen

Je ne suis pas une grande connaisseuse de Jane Austen, même si j'ai lu ses six romans qualifiés de majeurs, (qu'il faudrait que je relise pour mieux les découvrir) ainsi que tout ce que j'ai pu rencontrer comme romans "autour de Jane Austen".
Mais je suis fascinée par son écriture et sa façon de nous raconter la vie de ces personnages.
J'étais donc très intéressée par ces trois courts romans et ravie de pouvoir les recevoir, et je n'ai vraiment pas été déçue, au contraire.

Une préface très intéressante du traducteur présente bien ces textes, et nous donne des pistes  pour les situer dans l'oeuvre de Jane Austen. Je l'ai lu avec plaisir au début, puis relu à la fin après avoir dégusté les trois romans, pour revoir les précisions !!



Lady Susan

100 pages
Titre original : Lady Susan 
Terminé en 1805 mais jamais publié du vivant de l'autrice.
Résumé Babelio

Roman épistolaire, une exception dans l'oeuvre de Jane Austen.
Et quelle force dans ces lettres.
L'héroïne est une manipulatrice hors pair, c'est époustouflant.
Il s'agit très certainement d'une oeuvre de jeunesse, et il est ahurissant qu’une si jeune fille, dans un milieu assez protégé qui plus est, ait su mettre en scène une femme aussi épouvantable.
Cette Lady Susan semble si franche, si honnête dans sa façon de se présenter elle-même dans ses lettres, que ça en devient parfois comique à force de méchanceté.
Elle essaie si bien de persuader qu'elle agit pour le bien de sa fille notamment, qu'on se demande si elle ne finit pas par y croire elle-même !
C'est un texte très fort autour d'une personne réellement manipulatrice, mais c'est aussi comme toujours chez Jane Austen une belle description de l'époque, des us et obligations auxquels on doit se conformer. Et un vrai plaisir  à lire, même si trop court.

Extraits : 

Elle ne m'aime pas. Certes, si l'on considère les efforts que j'ai entrepris pour empêcher son mariage avec mon beau-frère, ce manque de cordialité n'est guère surprenant, mais je vois tout de même une certaine étroitesse d'esprit et un tempérament rancunier à me tenir ainsi grief...

***
Quand d'autres mères auraient insisté pour que leur fille acceptât un aussi bon parti dès qu'il se présentait, je n'ai pu me résoudre à imposer à Frederica une union qui lui répugnait et, au lieu de prendre une mesure aussi drastique, j'entends faire en sorte qu'elle s'y résolve de son propre chef en lui rendant la vie aussi pénible que possible jusqu’à ce qu'elle finisse par céder à ses avances.

***
Que pouvais-je faire ? Il n'est chose plus odieuse que les faits !

Les Watson 

74 pages
Titre original : The Watsons
Roman inachevé

Une histoire assez étonnante de fratrie. Et de bal aussi.
Une fois de plus, je me suis plongée dans l’histoire, sans lever le nez d'un bout à l'autre, toute surprise que ce soit déjà terminé.

Parce que contrairement à d'autres Jane Austen, ici, c'est moins les relations entre hommes et femmes que celles entre les soeurs qui dominent.
Mais comme toujours, ça ne se raconte pas, ça se vit, et l'écriture de l’autrice nous emporte quel que soit le sujet.
Avec en prime bien entendu, une peinture de la société de l'époque extrêmement fine et haute en couleurs.
Le bal, les visites codifiées à l'extrême, les relations entre riches et moins riches, l’établissement des filles, tout se déroule de façon fascinante sous nos yeux.
Un personnage d'enfant de dix ans, il me semble qu'on en rencontre assez peu dans le reste de l'oeuvre. Ce petit Charles est amusant et attachant, avec ses manières d'adulte et ses tristesses d'enfant.
La jeune Emma semble un peu trop gentille et bienveillante pour survivre dans ce monde, et j'étais un peu déçue de l'abandonner si rapidement.

Extrait :

Les Edwards étaient des gens fortunés qui demeuraient en ville et possédaient leur propre équipage. Les Watson, qui habitaient un village distant de trois miles environ, étaient pauvres et ne possédaient pas de voiture fermée. Depuis que l'on donnait des bals en ville, les premiers avaient l'habitude d'inviter les seconds à s’habiller, dîner et dormir chez eux à chacune de leurs visites mensuelles durant l'hiver.

Sanditon

100 pages
Titre original : Sanditon
Roman inachevé

Un roman assez différent, puisque le personnage principal est un homme, Mr Parker, qui se démène pour que son village, Sanditon, attire les touristes et arrive à concurrencer Eastbourne ou d'autres lieux connus de la côte. Même si ensuite c'est Charlotte qu'on suit, Mr Parker est le centre de la nouvelle.
J'ai un peu moins apprécié ce texte, des longueurs surtout dans les discours de Sir Edward. C'est évidemment voulu, pour montrer combien il est lassant, mais c'est un peu longuet du coup parfois.
Et puis, c'est une oeuvre non terminée, donc sans doute non corrigée de près par l'autrice, peut-être ça aussi qui fait la différence.
Mais j'ai tout de même pris grand plaisir à la lire, toujours cette écriture très prenante.
Quelques passages m'ont fait penser à Knock ou le triomphe de la médecine. Pas le côté manipulateur ici, mais la volonté d'implanter un médecin, les réflexions sur les gens qui se croient en bonne santé ... Un siècle plus tôt quelques idées qui se rejoignent !


J'ai aimé aussi retrouver ici l'importance de la mer, les stations balnéaires, la côte sud de l'Angleterre, le plaisir d'être au bord de l'eau. Il me semble (mais je peux me tromper) que c'est assez peu présent dans l'oeuvre de Jane Austen, où on se promène plus souvent dans la campagne.

Extraits :

L'aménité de son caractère en faisait l'épouse idéale pour un homme aux convictions affirmées mais, incapable de faire preuve de cette mesure dont son mari avait parfois besoin, elle attendait en toutes circonstances d'être guidée, si bien que lorsqu'il risquait sa fortune ou se foulait la cheville elle était inutile dans un cas comme dans l'autre.

***
... puisque, de nos jours, chacun doit "évoluer dans un cercle". C'est peut-être à l'influence de ce mouvement rotatoire qu'il faut imputer nombre de nos vertiges et faux pas.

Au final, j'ai vraiment apprécié cette lecture, que l'on peut conseiller aussi bien aux fans de Jane Austen, pour découvrir ses textes moins connus, qu'à ceux qui la connaissent mal, ils pourront apprécier sur des romans très courts l'écriture, la force et le décor !

Trois oeuvres posthumes
Nouvelle traduction de Nicolas Porret-Blanc
Éditeur : Archipel / Archipoche
3 octobre 2018 NOUVEAUTÉ - 296 pages
Résumé Babelio





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