vendredi 26 février 2021

Des chrysanthèmes jaunes - Rafael Reig

Erreur de choix de ma part ! Le résumé m'avait tentée, mais je n'ai pas réussi à accrocher à l'histoire de Pedrito telle qu'il nous la raconte.
Curieusement, j'ai commencé cette lecture juste après Soleil jusqu'à la fin, et tous deux nous plongent dans le quotidien d'enfants vivant dans un orphelinat. Mais rien de plus différent que ces deux romans, même si la vie n'est pas plus drôle pour l'un que pour l'autre.

Le début m'a paru truculent, le sexe vu par des enfants avant la libération sexuelle. La suite plutôt répétitive, tant le narrateur revient sur ses histoires de masturbation, et de soeurs qui accumulent les gestes osés.
Quand Pedrito doit quitter l'orphelinat, ses copains et les soeurs, pour être accueilli par ses grands-parents, l'ambiance a changé et j'ai pensé que j'allais être intéressée par son changement de vie, passant soudain d'une vie misérable à un milieu aisé. Mais je n'ai pas réussi à m'intéresser à son récit, qui oscille entre du sexe, de la politique, un brin de fantastique avec ces apparitions de la vierge très olé olé.

De jolis passages sur l'importance de la lecture. 
Mais tout m'a semblé trop détaillé, la politique (d'autant qu'il me manque des connaissances pour comprendre la politique espagnole), l'économie, les rencontres et même la lecture de Sandokan, que l'on suit en parallèle.
La dictature de Franco, c'était toute ma jeunesse. Que de fois son visage revenait dans notre collection de timbres ! Je pensais retrouver avec intérêt l'histoire vue de l'intérieur. Mais je suis passée à côté.
De plus, quand le récit passe d'une époque à l'autre, j'ai eu du mal à suivre et à savoir où on en était (peut-être ma lecture n'était-elle plus assez attentive, ayant du mal avec cette écriture ?) 

Au final je me suis ennuyée. et j'ai eu beaucoup de mal a à arriver au bout, j'ai d'ailleurs mis trois semaines à le lire. Un roman certainement intéressant, mais pas pour moi !

Extraits :

C’était un jeudi, le 13 novembre 1975. Ponzano était mort le mardi.
Nous sommes retournés à l’école au pas de charge, les bonnes sœurs distribuant des calottes à pleines mains chaque fois que quelqu’un sortait du rang, et transis de froid, sans envie de parler, mais je crois qu’il nous arrivait à tous la même chose : nous avions beau nous efforcer d’avoir pitié de Paco Ponzano, notre camarade, nous ne pouvions pas nous empêcher de penser à notre vie à nous.
C’était comme si le pharaon Ponzano s’était fait enterrer dans sa pyramide, pas seulement avec ces fabuleux trésors de capsules, de billes et d’images à collectionner, mais aussi avec un minuscule morceau de chacun d’entre nous, qu’il comptait bien emporter pour toujours dans l’autre monde, ce gros crétin.

***
Je ne me souvenais pas non plus du visage de mes parents, mais je savais que ma mère était morte et mon père en prison. Les bonnes sœurs nous disaient toujours de ne pas penser à eux, d’essayer de les oublier pour ne pas finir abandonnés de la main de Dieu. Nous avions en nous leur sang mauvais, notre naturel revenait au galop et nous nous perdions plus facilement que le capuchon d’un stylo. Elles nous traitaient d’abrutis, d’empotés, de fainéants, de bons à rien, d’andouilles, de mollassons, de têtes de linotte, de corniauds ou de bêtes apocalyptiques, en allant parfois jusqu’à l’égarement de nous qualifier de polissons ; et nous finissions par parler comme elles, avec le même goût pour un vocabulaire sonore et excentrique. Nous devions être incorrigibles, parce qu’elles nous grondaient pour tout. Elles nous reprochaient de nous disputer et de nous taire, de traîner les pieds en marchant et de croiser les jambes, de mettre nos mains dans nos poches et de regarder le plafond, d’élever la voix et de parler dans notre barbe, de manger goulûment et de mâchouiller ; de bayer aux corneilles, de nous ronger les ongles, d’éternuer ou d’avoir le lacet d’une chaussure défait. Pour les bonnes sœurs nous étions un supplice, une croix, un tourment de chaque instant ; elles ne pouvaient pas nous quitter des yeux, car nous n’avions pas une seule bonne idée ni d’autre but que celui de les faire mourir de chagrin. Alors nous recevions des calottes, des gifles, des punitions, des philippiques et des sermons, quoi que nous fassions, aussi immobiles que nous restions. Nous étions irrécupérables, c’était dans la masse de notre sang trouble. Nous finirions derrière les barreaux, nous prévenaient les bonnes sœurs, et chaque fois que nous apercevions un policier nous nous mettions à trembler, car nous savions que, dès qu’il nous découvrirait, il nous passerait les menottes.

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Escurín se vantait de n’avoir rien mis dans la fosse, sauf le chrysanthème réglementaire, et il nous demandait si maintenant, seulement parce qu’il était mort, Ponzano allait devenir une vedette, alors qu’il avait toujours été un crétin.

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Que Franco soit mort m’a mis en joie parce que j’aimais beaucoup (et j’aime toujours) les grands événements : les explosions, les attentats, les guerres et quand meurent des présidents ou des rois. Je me suis sacrément bien amusé quand Carrero Blanco, l’amiral, est monté dans les cieux à bord de sa Dodge Dart et que les bonnes sœurs ont fait des provisions parce que la guerre allait éclater. Je trouvais drôle de voir les adultes face à un grand événement. Ils se sentaient meilleurs quand une collision de trains les bouleversait ; plus intelligents, quand les conséquences de la mort d’un chef d’État les préoccupaient ; plus humanitaires, quand ils s’indignaient face à une famine en Afrique. Que des choses très graves se passent, nous, ça nous distrayait, et ça donnait aux adultes l’occasion de montrer de quel bois ils étaient faits, comme celle de parler d’un ton sérieux et intimidant. Depuis, j’ai toujours été partisan de ce qu’on a appelé par la suite “l’inquiétude sociale” : sans elle, nous mourrions d’ennui, car ce qui rend véritablement la vie insupportable, cette vie, ce n’est pas la douleur ni le malheur, mais de devoir tous les jours refaire son lit. Tous les jours, l’un après l’autre.

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“Dieu n’apportait aucune preuve de son existence”, mais, par contre, il te menaçait d’aller en enfer si tu ne croyais pas en Lui. Aucun de nous n’était d’accord avec cette attitude digne de la mafia sicilienne ou d’une brute de cour d’école, 

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C’était également une habitude en ce temps-là de tenir pour acquis que les enfants ne pigeaient rien à ce que disaient les adultes, alors qu’aujourd’hui ils comprennent tout même avant de naître 

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Il m’a ensuite expliqué que, quand une femme croit qu’il y a le feu chez elle, elle se dirige toujours vers ce qu’elle a de plus précieux à ses yeux. Ses enfants, le coffre-fort, les bijoux ou éventuellement son mari, bien que cette possibilité ne se produise généralement pas. Il suffisait de simuler un incendie pour qu’elle nous indique d’elle-même où elle l’avait caché, il a conclu.

***
 Je ne l’aimais pas, je ne la voyais même pas, la Mercedes réelle n’existait pas ; j’aimais le souvenir de moi-même amoureux d’elle au Foyer, je voyais la Mercedes créée par moi, celle qui me rendait visite dans la chapelle avec son manteau aux poignets élimés, j’aimais nos ombres s’agitant sur le mur de la chapelle ou sur la paroi de la caverne paléolithique ou platonicienne.

Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse
Titre original : Para morir iguales (2018)
Éditeur : Anne-Marie Métailié - 11 février 2021 - NOUVEAUTÉ
352 pages ; 22.00 €
Lu en numérique via NetGalley



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