samedi 20 février 2021

La grande escapade - Jean-Philippe Blondel

Un roman surprenant, intéressant par sa peinture d'une époque.

1975, le monde et la France changent, enfants et parents sont partagés entre traditions et nouveautés.
Nous entrons dans un monde d’école primaire. Des enseignants qui vivent dans les logements de fonction, et qui donc se retrouvent entre enseignants, leurs enfants qui jouent avec les enfants des collègues. Un monde un peu clos, sujet à ragots et à petites histoires.

Curieusement, le début du livre est raconté surtout au niveau des enfants, puis on bascule sur les adultes, les désirs, les adultères.
L'auteur a l'âge des enfants dont il est ici question, mais s'il est enseignant actuellement, le monde de l'éducation qu'il connait est certes bien différent de celui-ci à présent.

J'ai aimé retrouver toute une époque, plein de détails qu'on retrouve avec plaisir. J'ai souri à l'évocation des BT, ces bibliothèques de travail qu'on a beaucoup utilisé aussi en bibliothèque. Et à l'espoir d'un maître de pouvoir y publier enfin un numéro à son nom. Les dissensions entre instit "à l'ancienne mode" et que ça file droit, et les nouveaux, tendances Freinet, mais ces enfants ne finiront pas le programme ... !
J'ai aimé bien entendu l'écriture de Jean-Philippe Blondel, dont j'ai déjà lu quelques romans ado, mais pas assez à mon gré !!



J'ai été surprise que ce roman se déroule en 1975. Si ce n'était quelques précisions sur des événements de l'époque, je l’aurais cru plutôt vers la fin des années 60.
Beaucoup de choses me paraissent un peu décalées. Et pourtant, j'étais dans la province profonde, certainement pas en avance sur la Champagne à quelques lieues de Paris !
Ça m'a un peu gênée dans ma lecture.
Les enfants qui jouent librement sans aucune surveillance dans les terrains vagues ou dangereux me parait relever plutôt de l'époque du club des 5. Et il me semble qu'en 75, la mixité dans les classes était déjà bien établie.

Un roman que j'ai lu avec plaisir, mais dont je ne garderai sans doute pas grand souvenir, peut-être parce qu’aucun personnage n'a plus d'importance que les autres finalement.

Extraits :

Un mâle qui se sent diminué parce qu'il habite un logement de fonction obtenu grâce au travail de sa femme, une femme plus diplômée que lui puisqu'elle a obtenu le bachot alors qu'il a quitté l’école au certificat d'études

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Tous les parents s’accordent à dire que c’est un excellent maître parce qu’avec lui, au moins, ça file droit et qu’on entendrait une mouche voler. On concède qu’il est un peu soupe au lait et qu’il monte facilement en mayonnaise, mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Du côté des parents, on aime les proverbes et les expressions consacrées. Et l’ordre, surtout. On ne cille pas devant les témoignages de touffes de cheveux arrachés ou de gifles retentissantes. On répète que c’est comme ça que ça rentre et tu verras plus tard au service militaire.

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La brise de ce juin 1975 s'infiltre sous son tee-shirt ( Philippe aime le mot "tee-shirt", même s'il n'est pas très bien vu au sein de sa famille de l'utiliser, puisqu'il s'agit d'un anglicisme et que ces satanés Yankees vont bientôt coloniser notre langue comme ils annexent les territoires asiatique et sud-américains, il serait mieux d'utiliser l'expression "maillot de corps", et tant pis si elle semble légèrement vieillotte et exhale des parfums de Deuxième Guerre mondiale et de colonies françaises)

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Elle reste en arrêt devant les deux silhouettes au bas des escaliers. Ils ne se touchent pas mais elle ressent les ondes qui passent entre eux. Geneviève Coudrier a le nez pour ça. Elle aurait fait une concierge exemplaire, surtout pendant la Deuxième Guerre mondiale.

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Ces trois femmes qui glissent maintenant le long du mur de briques pour rejoindre l'entrée de l'école maternelle au premier étage de laquelle se situe le logement de fonction des Goubert, n'hésitent pas à se déclarer féministes alors même qu'elles passent le plus clair de leur temps à obéir aux diktats imposés par leurs conjoints. Ceux-ci se prononcent en faveur du travail féminin (on n'est pas au Moyen Âge et puis on ne crache pas sur un salaire supplémentaire) mais froncent le sourcil devant les velléités d'indépendance de leurs épouses.

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De l’anglais, à une fête d’école, eh bien, on aura tout entendu. Les petites victimes — les moyennes sections, ils ont quatre ou cinq ans, ils sont trop jeunes pour comprendre qu’on les manipule et qu’on tente de leur imposer une culture étrangère, ou plutôt une absence de culture quand on entend sur quoi ils vont se trémousser — improvisent une chorégraphie sur le tout récent titre d’un groupe au nom improbable — Boney M — pourquoi pas Bonnet C pendant qu’on y est !

***
Mai 68 a perdu le combat politique mais gagné la bataille culturelle : les idées de liberté et les envies de transgression se disséminent dans la société.


Éditeur : Buchet-Chastel (Août 2019)
Collection : Roman - 265 pages - 18.00 €
Version numérique 12.99 €
Résumé Babelio

2 commentaires:

  1. En fait, non, dans l'école où j'étais élève, la mixité est arrivée là - alors qu'effectivement ailleurs, elle était déjà établie. Je parle de souvenirs d'enfance, romancés, bien sûr. Quant à la profondeur des personnages, c'est parce que le récit est conçu comme une trilogie, dont la suite sort le 4 mars :)) Merci à vous en tout cas ! JPB

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    1. Oh, très touchée de votre réponse. Et surprise sur la mixité, je pensais vraiment que suite à mai 68, elle était arrivée partout. Entre mes études, et mon premier poste en 1971, toutes les classes que j'ai connues étaient mixtes ! (Ca m'a ramenée à la maternelle, je n'avais plus connu ça depuis !!)
      Et chouette nouvelle pour la suite, je vais guetter ça !! Merci pour tous vos livres.

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