lundi 22 mars 2021

Life & Times - Candy Harper

 

Joli coup de coeur. Le thème m'attirait, mais le roman va bien au-delà de la simple opposition entre deux vies à deux siècles d'écart.

2020 : Suite au divorce de ses parents, qu'elle supporte très mal, Bradlee est envoyée en internat, dans un ancien manoir d'un village anglais. 
1820 : Eugénie vit avec ses parents et quelques frères dans le manoir. Elle aurait aimé poursuivre ses études, mais il est temps pour elle de songer au mariage.

Toutes deux insatisfaites de leur vie, la rencontre d'une vieille femme (et d'un miroir) les transporte dans le corps et la vie de l'autre.
Surprise, horreur, étonnement. Après un temps  à chercher comment inverser ça, pas le choix, en attendant, il faut s'adapter. 
Et nous suivons leurs vies, leurs étonnements et leurs découvertes dans ce siècle qui n'est pas le leur. 

La trame, déjà utilisée dans d'autres romans, m'a surtout fait penser à la BD Le Temps des Marguerite. Mais, gros avantage ici : les deux filles peuvent communiquer, par l'intermédiaire du miroir. Et ça ajoute un intérêt évident, les entendre échanger sur leur situation, leurs motifs de se plaindre, les voir évoluer parallèlement. Tout en s'efforçant de ne pas trop modifier la vie de l'autre, au cas où elles arriveraient à réintégrer chacune leur époque.

Beaucoup d'humour dans la découverte par Eugénie de toutes les nouvelles technologies, et aussi les modes de vie plus libres, et par Bradlee des impératifs de la tenue d'une jeune Lady.
Mais il y a aussi un côté très féministe, avec la volonté de choisir leur vie, et ce que leur apporte de voir comment ça se passe en un autre siècle.
Et chacune va aussi découvrir qu'il ne suffit pas de se plaindre pour avancer, qu'on peut parfois agir au-delà de ce qu'on pense. Et que personne n'est tout noir ou tout blanc, qu'on peut aimer quelqu'un et ne pas savoir le lui montrer, que les parents ne sont pas forcément là pour vous gâcher votre vie.
Un très bon roman donc, qui se dévore et nous fait sourire, mais qui donne aussi pas mal de pistes de réflexions.
Dommage que le titre ait été conservé en anglais.

J'espérais un achat pour la bibliothèque mais il n'est hélas pas entré dans notre budget, je remercie d'autant plus NetGalley et les éditions Slalom de m'avoir permis de le lire. Je pourrais ainsi mieux le défendre à notre prochaine réunion d'achat, car je pense qu'il a vraiment sa  place en bibliothèque.

P.S.: Je viens de le relire en livre papier, toujours avec le même plaisir.
Mais un petit détail m'a perturbée !
Il est question à plusieurs reprises de l'époque où vit  Eugénie, (1820) chaque fois nommée "La Régence".
Or en France, s'il y a eu bien entendu moult régences, la période désignée ainsi est bien plus ancienne.
Il aurait été agréable que la traduction précise qu'il s'agit de la période anglaise appelée Régence.

Extraits :

Il s'est arrêté tout à coup. 
- Pourquoi t'agites-tu comme ça ? Je n'arrive pas à me concentrer 
Avant qu'il le fasse remarquer, je ne m'étais pas rendu compte que j'étais aussi mal installée sur cette chaise bien trop dure et inconfortable. J'ai continué à gigoter. 
- Je m'ennuie... 
C'était souvent dans ces moments de calme que je cherchais encore, par réflexe, à prendre mon téléphone, même s'il était bien sûr à deux siècles de là. Ayant toujours l'impression de louper quelque chose sur les réseaux, j'avais du mal à rester concentrée quand je lisais ou dessinais. 
Tu n'as pas une idée ? lui ai-je demandé. 
- Tu pourrais faire de la broderie. 
J'ai soufflé, agacée. 
- Qu'est-ce que vous avez tous ici à prendre la couture pour un remède miracle ? J'ai pas envie de coudre ni de lire... J'en ai marre de faire que des trucs insignifiants, Il se passe quoi dehors, dans le 
domaine, ou en Écosse ? Et de l'autre côté du monde ? Le duc fait quoi en ce moment ? Et Sally Seton ? 
Il a détourné le regard dès que j'ai prononcé son nom. 
— Je crains de ne pas pouvoir répondre à toutes ces questions dans l'immédiat. 
– C'est bien ça, le problème ! 
Je n'avais pas la moindre idée de ce qui pouvait se passer dans la vie de mes amis depuis des semaines, et aucun moyen de le savoir. 
- Je me sens tellement... déconnectée. Comment vous faites ici pour rester en contact ? 
- C'est-à-dire ? 
- Comment vous faites pour savoir tout le temps ce que font les gens ? 
George a écarquillé les yeux. 
— Je ne pense pas qu'il soit possible, ni souhaitable, de savoir ce que tout le monde fait à toute heure de la journée... 
- Mais comment on fait pour s'occuper, sinon ? 
À peine ces mots m'étaient-ils sortis de la bouche que j'ai réalisé à quel point j'étais devenue dépendante de toutes les distractions du monde moderne. J'étais complètement perdue sans mon portable ou mon ordi à la main. Et pourtant, même si le manque me rendait un peu fébrile, ça me faisait quand même du bien de ne pas les regarder toutes les cinq minutes – malgré l'envie pressante de chatter ou de lire les derniers articles sur le réchauffement climatique ou d'autres trucs du genre. 
– J'admets que si je devais passer toutes mes journées à l'intérieur, je finirais par m'ennuyer un peu, dit George en rangeant les livres de musique. 
Tout était plus simple pour lui : il lui suffisait d'aller en ville s'il avait envie de s'amuser, et il n'allait pas tarder à faire le plus beau voyage de sa vie. Sa pauvre soeur n'avait droit à rien de tout ça, et vu que j'avais pris sa place... Pauvre de moi. Il me fallait un passe-temps, comme dirait Eugenie. 
George a refermé le piano. 

***
- Je ne comprends vraiment pas... 
Anna-B soupira. 
- Tu te souviens, quand tu as dit qu'Internet était une sorte de bibliothèque ? Eh ben, j'ai mis cette vidéo de toi dans les rayons, et maintenant, partout dans le monde, les gens peuvent la regarder si ça leur dit. Et ils sont des centaines ! 
- Mon Dieu... 
J'imaginai toute une salle de concert m'écoutant bavarder. 
— Mais je n'ai rien dit d'intéressant ! Je n'ai rien d'un savant ni d'un orateur... S'il y a tant de choix, tous ces gens auraient pu assister au récital d'une chanteuse d'opéra ou à une grande pièce de théâtre, non ? 
Elle haussa les épaules. 
- Oui... 
- Et ils ont préféré m'écouter parler de strings et de chips? 
- Exactement. C'est ça, Internet, répondit-elle avec un grand sourire. 

Traduit de l'anglais par Diane Gagneret
Éditeur : Slalom - 4 mars 2021 - NOUVEAUTÉ
240 pages - 14.95 €







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