jeudi 10 décembre 2020

Le syndrome de l'hippocampe - Zoé Brisby

 
Au départ, j'ai  pensé que ce roman n'était peut-être pas pour moi : une jeune femme qui n'arrive pas à trouver l'âme soeur, et qui veut absolument un enfant malgré tout, avant d'être trop âgée pour ça.
C'est tellement éloigné de mes préoccupations, et de tout mon entourage.
Et puis, très vite on se prend tout doucement au charme de cette histoire. C'est doux, tendre, très hygge  !! Chaleureux et réconfortant, tout en faisant réfléchir à la vie, à ce qui a de l'importance ou pas.
Et c'est tellement plus que ça.
Toutes leurs rencontres apportent quelque chose qui nous fait réfléchir, qui nous renvoie à nos propres interrogations.

C'est donc l'histoire de Brune, qui a l'impression que rien de ce qu'elle tente ne réussit, et qui décide, à défaut de dénicher le père idéal pour concevoir un bébé, d'aller au Danemark dans une clinique spécialisée pour choisir le meilleur père sous tous critères.
Son amie Justine, végane militante et aussi différente d'elle que possible, n'est pas persuadée que sa démarche soit une bonne idée, mais elle ne va pas la laisser partir seule, c'est ça l'amitié.
Et voilà donc une virée un brin délirante entre filles, de belles rencontres qui vont les faire réfléchir.

Car ce roman est à deux voix, et on découvre que Justine n'est finalement pas la fille si sûre d'elle et de ce qui est bien,  pour elle, pour la planète et pour Brune.

Dire qu'il y a bien longtemps, j'avais prévu un voyage au Danemark, j'avais toute la doc, parlé avec la vice-consul, je savais déjà ce qu'il fallait voir, et puis pas le courage de finaliser le voyage, et nous n'y sommes jamais allés. Quel regret ! D'autant que notre point de chute devait justement être Aarhus.
Mais quel plaisir de le découvrir avec Brune et Justine ! 

C'est drôle, léger, très dans l'air du temps, mais on réfléchit finalement pas mal avec ces deux amies.
Et j'ai découvert le compas de Vegvisir, dont je n'avais jamais entendu parler.

Il y avait longtemps que j'avais envie de découvrir l'écriture de Zoé Brisby, et je ne regrette pas, c'est tendre et prenant. Et je vous laisse découvrir le rôle de l'hippocampe !

Extraits : 
(Je sais, j'en ai noté beaucoup, il y a plein de phrases que j'ai envie de garder en mémoire dans ce roman !)

Elle avait erré. Un pauvre hère qui erre dans l’aire solitaire, sans air, asphyxié. Elle avait tenté de sortir, de s’aérer les idées. Quel conseil stupide ! Comme si l’air vicié de la ville allait lui donner un bébé. Enceinte d’un courant d’air, ce serait nouveau. L’Immaculée Conception venteuse. 

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Et puis son bébé attraperait sûrement un rhume à la crèche ou à l’école. La sociabilisation est la pire des maladies.

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Brune sortit une liste de trois pages. – Je croyais qu’on faisait les courses, pas qu’on lisait Le Rouge et le Noir ! s’exclama la mangeuse bio en remarquant les pages manuscrites recto verso. 

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« Consommer plus de produits laitiers, notamment des yaourts entiers », cita-t-elle. Je ne suis pas trop d’accord, tu devrais te tourner vers les laits végétaux. Lait d’amande, de riz, de noisette, d’épeautre et, mon préféré, d’avoine. – Tu as le même régime alimentaire qu’un cheval. – Les chevaux mangent plutôt sainement. 

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 Ah, c’est encore un de ces trucs pour tomber enceinte ? Il n’était pas étonnant que Bashir soit au courant des infortunes de Brune. Il n’était pas seulement l’épicier du quartier, il faisait également office de bureau des cœurs brisés. Les clients qui venaient rassasier leur besoin de sucre en pleine insomnie étaient heureux de trouver une épaule compatissante. Bashir servait de psychologue à tous les habitants, moins cher, plus rapide, ouvert quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et puis, chez quel psy aurait-on pu à la fois parler et faire ses courses ?

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Je suis né au Maroc. Mes parents ont immigré en France un nourrisson dans les bras. Je n’ai vécu que quelques semaines au Maroc, mais je me souviens des odeurs, des couleurs et de la lumière. Peut-être est-ce un souvenir inventé, une image fantasmée du « pays », mais j’aime cette image, alors je m’y accroche. Je n’y suis jamais retourné malgré les demandes répétées de mes parents. J’ai trop peur. Peur d’être déçu. Les odeurs seront forcément moins épicées, les couleurs moins chatoyantes et la lumière moins douce que dans mon souvenir. Bashir s’interrompit, pris dans la brume à la senteur cumin de ses souvenirs. 

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 – Mes parents sont âgés maintenant et ils ont envie de retourner dans le pays qui les a vus naître. Je comprends ce besoin, je le partage. Je sais que je vais devoir me forcer et briser cette image idéalisée pour les accompagner. J’ai un peu honte aussi. Je serai un touriste dans mon propre pays, comme un étranger qui prend en photo le charmeur de serpent sur le marché de Marrakech. Les gens me parleront sûrement en arabe en croyant que je suis l’un des leurs, mais je ne le suis pas. Je suis un Français à la peau tannée. J’ai peur de faire honte à mes parents. Pourtant, ce sont eux qui m’ont fait devenir celui que je suis aujourd’hui. Eux qui m’ont interdit de parler arabe pour mieux m’intégrer, eux qui m’ont inculqué la notion de patrie, de civisme, de citoyenneté. Je suis plus blanc que blanc. 

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 Mon épouse me parle souvent de ma double culture. Elle trouve que c’est une chance. Deux fois plus de culture, dit-elle. Je ne sais pas, j’ai plutôt l’impression qu’il a fallu faire un choix. L’une ou l’autre. Mais peut-être a-t-elle raison. Elle a souvent raison. Je ne devrais pas me plaindre, j’ai deux pays. L’un qui m’a vu naître et l’autre qui m’a fait grandir. Il est inutile de chercher où se situent nos racines. Elles sont là où se trouvent ceux que nous aimons. 

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 Je ne supporte pas que l’on fasse du mal à ceux qui ne peuvent pas se défendre, qu’il s’agisse d’enfants, d’animaux ou de végétaux. 

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En cherchant la perfection, on passe à côté de sa vie.

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 – Si la confiance en soi se mesurait à la quantité d’enfants, les mères de familles nombreuses seraient considérées comme des canons et Jennifer Aniston comme un boudin !

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Le passé est un héritage, le présent un cadeau et l’avenir une surprise. 

Éditeur : Fayard / Mazarine - 3/06/2020
384 pages - 18.00 €
Lu en numérique






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