mardi 2 mai 2017

Anouche ou la fin de l'errance. De l'Arménie à la vallée du Rhône. - Valentine Goby ; Philippe de Kemmeter

Editions Autrement Jeunesse 2010
Collection : Français d'ailleurs
20 x 26 cm ; 79 pages
Résumé babelio

Je suis assez mitigée sur ce livre. Le premier que je découvre de cette collection.

D'abord, mes raisons de le lire :
J'ai presque toujours vécu dans des villes avec une grande communauté arménienne.
Gardanne d'abord, pendant vingt ans. (A Gardanne, arrivée dans les années 1920 d'environ 900 arméniens, pour une population de 6000 habitants)
Puis Valence et alentours (Valence compte la plus grosse colonie arménienne en valeur relative : 6 % de la population)
Sans avoir cependant d'ami proche ou de famille qui en fasse partie (mais j'ai dû parfois gérer parmi mes élèves des conflits entre Turcs et Arméniens, le génocide n'est pas oublié des jeunes générations).
Dès que j'ai vu cet ouvrage dans la bibliothèque, je l’ai emprunté sans hésiter, d’autant plus qu'il était classé en roman enfants.



Une présentation originale : un grand format et deux parties.
La 1e, le récit, présentée sur des feuilles quadrillées à réglure 5x5 *
Raconté par Anouche à la première personne comme un journal intime, avec des illustrations souvent pleines page à gauche, et des petits dessins à droite, et une phrase reprise en vertical.

La 2e un dossier de dix pages sur fond grisé, avec des photos comme illustrations.

Quand Anouche se raconte, on est en 1925, et à Valence (ce que je n'avais pas vu en empruntant le livre) Chaque nuit, des cauchemars la réveillent, et, par le biais de ces cauchemars, on apprend ce qu'elle a vécu ces dix dernières années, terreur, massacres, exil.
C'est intéressant car connaître l'existence du génocide arménien est une chose, mais le vivre ainsi "de l'intérieur" aux côtés d'une toute petite fille, c'est vraiment autre chose.

Mais j'ai cependant été déçue.
D'abord, les dessins n’apportent pas grand chose à l’histoire, et je ne les aime vraiment pas. Je sais que chacun ses goûts (et qu'on n'en discute pas !), mais là, je n'y arrive pas !
Ensuite, je pensais que la vie de la période française serait plus détaillée. Sa maman retrouve un compagnon, et Anouche en souffre beaucoup, ayant l'impression à la fois de perdre l'attention unique de sa mère, et d'abandonner le souvenir de son père.
Ce côté familial prime sur la partie vie de ce peuple déraciné, et ça m'a gênée.
A part quelques notations sur les travaux qu'ils trouvent à effectuer, et sur les enfants qui doivent s'embaucher très jeunes, je n'ai pas eu l'impression d’entrer dans la vie de ces gens.
Rien (ou je n'ai pas su le voir) sur leur extraordinaire volonté de travail, leur volonté de s'intégrer, totalement différente de ce qu'on voit ce siècle-ci ou à la fin du 20e, leur capacité à vivre loin de chez eux et à s'y installer. Rien sur la vie au jour le jour surtout.

Et puis, je me demande quel âge est ciblé.
La présentation laisse penser à un livre pour enfants, plutôt que pour ado, qui n'iront probablement pas vers ce type de documents. D'ailleurs, il est bien rangé en roman enfant dans la bibliothèque où je l'ai emprunté.
Mais si je suis persuadée qu'il est important de parler de ces tristes périodes, de ne pas oublier, et de porter ce génocide souvent nié à la connaissance de tous, je n’ai pas envie de donner à lire ces massacres aux enfants de chez nous, de dix ans ou moins, qui ont la chance d'être épargnés actuellement. Ils apprendront bien assez tôt ces horreurs.
Je sais que tout le monde n'est pas d'accord, mais si je pense qu'ils doivent savoir, je les trouve  trop jeune pour leur décrire.

De même, j'ai trouvé important et intéressant qu'il y ait un dossier historique à la fin, mais il m'a paru un peu complexe pour les enfants.

J'ai regretté aussi que le lexique, de mots arméniens ou pas, soit "caché". Ni au début, ni à la fin, et pas signalé, je ne l’ai trouvé qu'après lecture, dommage ! Même si en fait, les mots sont compréhensibles, souvent expliqués à mesure.

Pour cette tranche d'âge (primaire et début collège) j'aime beaucoup la collection des romans Images doc chez Bayard, qui mêlent roman et documentaire. Je la trouve bien plus abordable, pour ceux que  j'en connais, que celui-ci.
Mais je vais essayer d'en lire d'autres de la collection, pour m'en faire une idée plus précise.

Extraits :

***

Dans mes cauchemars, je revois sa peau et ses dents qu'elle avait noircies de suie, son crâne rasé frotté au sable pour que ses cheveux repoussent mal, pour qu'elle soit laide, qu'un Turc ne vienne pas l'enlever, l'épouser, qu'on ne me la retire pas. 


***

Cette fois, je suis sous un tas de cadavres. Ils pèsent lourd sur mon corps de quatre ans, ces gens assassinés après un an de marche dans le désert. Je suis sous les cadavres, je ne bouge pas. Je dois être morte. C'est ma mère qui met fin au cauchemar.

***

[Dossier]
A l'issue de la Première Guerre mondiale, sur les 2 à 2,5 millions d'Arméniens que comptait l'Empire ottoman en 1914, les deux tiers - soit 1,2 à 1,5 million - ont péri. Lorsqu'en 1944, le juriste américain Raphaël Lemkin invente le mot et le concept de "génocide" (du grec genos = groupe, famille ayant un ancêtre commun, et du latin caedere = tuer) pour définir le sort subi par les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, il a aussi en mémoire l'extermination des Arméniens en 1915. 


Sources de mes données chiffrées :

Pour Gardanne

Pour Valence  (vous y trouverez de quoi compléter le sujet de façon intéressante)


* Et une petite question au passage : le quadrillage "à grands carreaux" en France est appelé réglure Seyès.
N'y a-t-il pas de nom pour les "petits carreaux ??!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire