samedi 10 août 2024

Jefferson se fâche - Jean-Claude Mourlevat

 
Voici le troisième opus des aventures de Jefferson Bouchard de la Poterie, et c'est encore un régal de lecture.
Il peut parfaitement se lire seul, mais c'est bien agréable de retrouver les personnages des histoires précédentes.
Un roman drôle et tendre, mais aussi l'occasion, comme les précédents, d'aborder un sujet sérieux.
Drôle car nous sommes dans un pays où les animaux vivent quasiment comme des humains, et où toutes les espèces cohabitent. Ce qui n'est pas forcément simple : quand Jefferson, le hérisson doit s'expliquer face au chien danois policier, qui le surplombe d'un bon nombre de centimètres, il n'est pas très à l'aise.
Mais sa petite taille ne l'empêche pas d'être un étudiant très sérieux. D'ailleurs il a obtenu une bourse pour partir au pays des humains. On espère donc un prochain tome.
Tendre, car il y a beaucoup d'amitié entre ces héros.
On rencontre ici, un groupe de jeunes sourds, qui cohabitent et s'aident. Et c'est l'occasion de mieux se rendre compte de ce qu'implique ce handicap dans la vie quotidienne : difficultés à lire sur les lèvres dès qu'il fait sombre, personnes qui se fâchent quand on ne répond pas, sans prendre la peine de voir que c'est impossible, complexité des conversations et des interrogatoires ...
Jefferson, le jeune hérisson, a beaucoup d'"humanité" : il est très peureux, il l'assume, mais se dépasse quand il doit aider ses amis.
Et cette aventure va le mettre face à de vrais dangers, on tremble fort pour lui et ses amis.
Quand Jefferson, et son inséparable ami Gilbert le cochon, découvrent le chat photographe Émile, enfoui sous la neige, leur quête de vérité va les mener dans des situations de plus en plus risquées. Car si on a voulu faire taire Émile, on ne laissera pas parler les autres. Le suspense est à son comble !

Après les abattoirs, dans le tome un, et les sectes dans le suivant, un autre grave sujet de société est abordé ici.
Et d'autres travers sont aussi dénoncé, sous couvert d'un peuple animal : par exemple, quand une photo laisse à penser que c'est un cochon qui a tenté de tuer Émile, les autres cochons se sentent en première ligne des suspects, même s'ils n'y sont pour rien. Ça ne vous fait pas penser à d'autres situations ?

On a donc, comme souvent chez Jean-Claude Mourlevat, un vrai roman d'aventures, palpitant, drôle et facile à lire, mais qui aborde aussi des sujets profonds.

Tome 1 : Jefferson

Extraits : 

- Qu'est-ce que tu vois ? lui lança Gilbert quand elle fut à mi-hauteur.
- Elle ne t'entend pas, et elle ne peut plus lire sur tes lèvres à cette distance, lui fit remarquer Jefferson.
- Ah oui, c'est vrai. En même temps, elle doit bien se douter que je lui demande pas la capitale du Pérou, là.

***
Est-ce qu'on leur avait envoyé un tueur et que celui-ci avait un problème de conscience au moment d'agir ? Non, les tueurs peuvent avoir des problèmes de toute sorte, mais rarement de conscience.

***
Jefferson frémit. Entendre Martial Prost vous susurrer : "je suis motorisé", c'était aussi inquiétant que d'entendre un pyromane vous glisser à l'oreille : "j'ai les allumettes !"

***
Mais c'est dingue, ça ! se révolta soudain Martial, se dressant sur ses genoux. Comment vous parlez à mon ami ? ... bon, il est de taille modeste et ça reste un hérisson, mais quand même ... pourquoi est-ce qu'on pourrait pas juste partager de l'amour, hein ? ... tout le monde ... les humains ... les animaux ... les oiseaux ... les fleurs des champs ... les petits cailloux sur le chemin ... les coureurs cyclistes ... tous ensemble ... tous les bras dans les bras ... hein, pourquoi pas ? ... on ferait du patin à glace ... on chanterait des chansons d'Elvis Presley ... on jouerait aux osselets et à la belote ... oui, en même temps ... tout serait possible si on était gentils ... regardez les petits pois au fond d'une assiette... est-ce qu'ils se battent avec les rondelles de carotte ? ...
L'Homme en eut soudain assez. Il pointa son revolver sur Martial et murmura :
- Toi, le rongeur, un mot de plus et je te sulfate.

***
Gilbert : Dis-moi, Émile, tes blessures, il en pense quoi, le médecin légiste qui te soigne ?
Jefferson (en aparté) : Pas légiste, bon sang, Gilbert ! Tu regardes trop de séries ! Tu vois bien qu'Émile est vivant ! (à Émile) Tu es vivant, Émile ?
Émile : Oui.
Gilbert : Bon, d'accord, pardon. Il en pense quoi le médecin tout court ?

Auteur : Jean-Claude Mourlevat
Illustrations d'Antoine Ronzon
À partir de 9 ans
Gallimard jeunesse 19 octobre 2023 - 274 pages - 14.00 €
Résumé Babelio



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