"Seule la femme rebelle, lorsqu'elle sort des usages que lui imposent les conventions bourgeoises, peut faire œuvre d'une terrible vertu."
(Margaret Sanger 1914)
Citation en exergue du roman, qui explique le titre.
Encore un roman pour lequel je suis très partagée. Est-ce que je deviens trop difficile ?
Le début m'a enthousiasmée, envie de le faire lire à tout le monde, et particulièrement à tous ceux qui n'ont pas connu cette période où il était impossible de maîtriser la fécondité, où le moindre rapport pouvait mettre les femmes dans une énorme inquiétude . Où la question n'était pas de trouver une pilule un peu moins nocive, mais de savoir que la vie de la mère serait en danger avec une nouvelle grossesse, sans pouvoir y remédier.
La croisade que va mener Margaret Sanger, pour sortir de cette malédiction n'est pas théorique, ni opportuniste. Elle a vécu de l'intérieur le drame des familles nombreuses et pauvres, vu sa mère s’épuiser au rythme des grossesses et en mourir.
Ce roman va donc nous mener sur les pas de celle qui a créé le Planning familial, qui n'a pas hésité à mettre sa famille et sa liberté en jeu pour aider les femmes et voir naître un jour nouveau. Qui a parcouru le monde pour plaider cette cause, de la prison aux soirées mondaines en passant par les quartier pauvres.
Tout cela m'a paru à la fois extrêmement important, et intéressant.
Mais sa vie, telle que narrée par l'autrice (le livre s’annonce comme roman, quelle distance avec une biographie ?) nous la rend peu sympathique.
Comment peut-on écrire un roman, à la première personne, sans ressentir un peu d'empathie pour le narrateur ? Du moins quand il s'agit quasiment d'une biographie.
Margaret finit par être odieuse, à force de choisir de vivre loin de ses enfants, elle qui a tant souffert que sa mère n’ai pas le temps de s'occuper d'elle. Tout en répétant sans cesse que ses enfants lui manquent.
Certains passages sur sa vie m'ont lassée. Même si elle a voulu vivre ce qui lui semblait en accord avec ses idées, je me suis posée des questions sur la cohérence de ses choix.
Il est très intéressant qu'en contrepoint de la narration de Margaret on ait de courts passages où d'autres personnes donnent leur point de vue, ses enfants, son mari, sa soeur, d’autres proches. C'est parfois poignant de voir avec d'autres yeux.
Hasard de lecture, je retrouve ici la période de Evelyn, May et Nell - Pour un monde plus juste, lu le mois passé. Et, de l'autre côté de l'Atlantique, des femmes aussi impliquées et battantes.
D’ailleurs, on croise ici par moments les militantes pour le droit de vote des femmes, mais il est certain que la cause défendue par Margaret Sanger semble plus urgente et plus grave, car réellement question de vie ou de mort.
Au final, un livre qui nous fait voir de près l'absurdité et le danger de certaines positions officielles et qui nous ramène à d'importantes questions.Et aussi qui fait toucher du doigt la difficulté de se positionner entre aide indispensable aux femmes en détresse, et accusation d'eugénisme ou même d'antisémitisme.
Extraits :
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Dans l'État socialiste, les femmes n’auront plus à travailler du tout. [...] Leur tâche sera d'élever les enfants, aussi nombreux que possible.
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Leurs insultes ne peuvent pas venir à bout de ce que j'ai accompli. J'ai changé le monde pour le mieux. Et cela, nul ne peut me l'enlever.
***
Je songeai à toutes ces femmes dans tous ces appartements ; certaines, comme Sadie, étendues dans le noir les yeux grands ouverts, à se creuser la cervelle pour imaginer des moyens d'éviter ou d'interrompre une nouvelle grossesse que ni leur corps, ni leur budget, ni leur santé mentale ne pouvaient endurer ; d'autres, écartelées en silence, terrifiées, sous un homme en colère, ivre ou vengeur ;
***
Je décidais de les amener à Provincetown, un village de pêcheurs portugais situé à la pointe de Cape Cod.
[p 90. Ça, c'est une citation juste pour moi, parce que je suis amoureuse de Cape Cod]
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Valérie Le Plouhinec
Titre original : Terrible Virtue (2016)
Éditeur : Le Cherche-Midi (3/10/2019) NOUVEAUTÉ
Résumé Babelio
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