J'ai hésité longtemps à le lire. Vu mon âge, et mon entourage, me plonger dans l'histoire d'un malade de l'Oublie-tout ne me semblait pas une très bonne idée pour me distraire.
Et puis, à force de voir des critiques aussi enthousiastes, on s'est décidé à l'acheter pour la bibliothèque, et moi à le lire.
Et c'est un régal de voir ces animaux, qui à la fois mélangent les caractéristiques humaines et celles de leur espèce. C'est drôle, bien trouvé, étonnant. En plus, nous allons suivre un libraire, et un lecteur qui recherche un livre. J'ai beaucoup aimé aussi l'idée de la Retraite des plumes, où sont accueillis si agréablement ceux qui ont envie d'écrire, où on leur procure à la fois le calme nécessaire, et la possibilité de partager leurs écrits de façon bienveillante.
L'histoire de famille qu'on découvrira peu à peu est aussi très belle.
Mais vivre au quotidien avec ce M. Taupe, dont la mémoire s'effiloche, qui sent qu'elle s'enfuit, qui a des moments de lucidité puis soudain emmêle les générations et les souvenirs, m'a déchiré le coeur.
On sent que l'auteur connait bien le sujet. Même en le présentant à travers les animaux, tout est si vrai.
Les portes du Souvenir sont poignantes
J'ai aimé aussi la place des livres dans la vie, et dans les souvenirs.
Ce roman pourra aider les enfants confrontés à cette situation dans leur entourage à comprendre (un peu, car c'est si difficile) ce qui se passe quand on est atteint de la maladie de l'Oublie-tout. Comment on peut passer à tout moment d'un état presque normal à une perte totale de repères, croire d'un coup être en présence de celui qui nous a quittés depuis longtemps, voire confondre un enfant avec son grand-parent ...
Pour les autres, je ne sais pas. J'ai trouvé ça terriblement triste, même si c'est très beau, mais il est certain que les enfants n'ont pas le même ressenti que nous. Ils peuvent le lire comme juste une belle histoire d'animaux assez drôles ?
Certains ont dit que leurs enfants avaient apprécié. J'attends l'avis des miens.
Les illustrations sont très belles aussi.
Prix Babelio jeunesse 2022
Qui en parle ? Lirado
Extraits :
Ni une ni deux, Ferdinand s'empara d'un gros caillou et planta les piquets dans la terre, puis il passa les cordelettes qu'il fixa à la toile pour ne pas qu'elle s'envole ; si la mémoire des mots lui faisait défaut, celle des gestes fonctionnait encore parfaitement.
***
La Brocantaupe était un lieu extraordinaire, une idée née dans l'esprit de sa maman, Violette, qui rêvait d'ouvrir un commerce où chacun trouverait l'introuvable, où tout le monde pourrait dénicher l'indénichable partant du principe élémentaire, voire élémentaupe, que les rebuts des uns pouvaient devenir les trésors des autres.
***
- Que se passe-t-il, mon ami ? Ça ne vous plaît pas ? l’interrogea Archibald
- Si, si… C’est juste que… Ça a le goût de...
- Le goût de quoi, cher compère ?
- Le goût du souvenir, répondit-il enfin, ses petits yeux tout mouillés
***
La maladie de l'Oublie-tout, c'est comme une fleur dont on aurait arraché les pétales. On peut toujours essayer de les recoller, mais...
***
Malade de l'Oublie-tout, Ferdinand était devenu une sorte de voyageur temporel, voguant entre les époques comme on passe d'un chapitre à l'autre du grand livre de la vie. Alors quand il était égaré dans l'un de ces nombreux voyages, Archibald lui lançait des cordes pour qu'il revienne petit à petit, sans jamais le brusquer.
***
Le lire, c'était cesser de l'attendre, l'avoir c'était cesser de l'espérer. Quand enfin il le découvrirait, l'histoire prendrait fin...
***
Accompagner quelqu'un atteint de la maladie de l'Oublie-tout, c'est accepter d'apprendre à prendre le temps; celui de laisser faire même quand l'autre échoue [...], prendre le temps de tout dire et montrer pour ne jamais surprendre [...], prendre le temps d'expliquer sans jamais poser des questions auxquelles l'animal malade ne saurait répondre.
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Illustré par Sanoé
Éditeur : École des Loisirs - 16 mars 2022
Collection : Neuf ; 299 pages ; 14.50 €
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