mardi 22 novembre 2016

Libérer Rahia - Yaël Hassan

Casterman 2010 - Collection Feeling - 139 pages
Résumé Babelio

Oh la la, ces petits chapitres courts, et l'écriture de Yaël Hassan, pas pu quitter ce livre avant la dernière page !



J'avais déjà lu, sur ce sujet de l'esclavage domestique moderne chez nous, "Liberty chérie" qui m'avait bien intéressée, sur un thème que je connaissais mal, mais dont la fin m'avait gênée.

Ici, c'est à la fois un peu plus "léger" comme histoire, et plus perturbant aussi, parce que c'est raconté par la fillette française, qui se sent responsable de la venue de Rahia en France.
L’histoire d’amour / amitié entre Blandine, Antoine et David m'a semblé pas forcément vraiment utile à la trame, mais j'ai énormément aimé qu'on découvre un problème pas souvent évoqué, et aussi que l'auteure ne se contente pas de montrer ce qui ne va pas, et ce qu'il faudrait faire cesser, mais aussi que tout n'est pas si simple.
Tant du point de vue de la jeune Marocaine : pouvoir rentrer chez elle, n'est pas forcément la solution idéale, et souhaitée. Que du point de vue de ceux qui découvrent la situation : dénonciation / délation / signalement ... jusqu'où peut-on aller ? est-ce positif ou négatif, une bonne idée ou dangereux ?

Intéressant aussi que tout à tour, chacun des trois amis prenne la parole, avec ses propres interrogations et doutes. Et de façon à rendre la lecture aisée, le prénom est chaque fois précisé en tête de chapitre, permettant de se concentrer sur le contenu, et non de se demander pendant dix lignes ou trois pages qui parle.
Et c'est dans le dernier chapitre qu'on entendra enfin la voix de Rahia.

Un très bon petit livre donc, pour alerter sur le sujet de l'esclavage domestique, en France, de nos jours. Pour faire prendre conscience aux plus jeunes que non l'esclavage, ce n'est pas terminé, ce n'est pas que dans le cours d'Histoire, ou dans celui de Géographie, mais à nos portes aujourd’hui.
Et de plus,comme je le disais au début, ça se lit très facilement, on ne peut pas le lâcher une fois commencé, un vrai bon roman !


Extraits :

Elle était si triste, quand je lui ai annoncé notre départ, que j’en ai eu de la peine.
- Peut-être pourras-tu venir me voir un jour ? lui ai-je alors dit pour la consoler, tout en sachant que c’était peu probable car ses parents n’auraient jamais les moyens de lui payer le voyage.
Et c’est à ce moment-là que cette idée stupide m’a traversé l’esprit.
Pourquoi, pourquoi ?
Mais qu’est-ce qui m’a pris ?
Jamais je ne me le pardonnerai.
Je n’avais pourtant pas la moindre intention de lui nuire. Au contraire, je pensais bien faire. J’étais même fière de moi. Pauvre pomme !

***

- Pourquoi tu l'as laissée faire ?
- Qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Que je dénonce ma mère à la police ? Qu'est-ce que tu aurais fait à ma place ?

***

[Le père de David, avocat]  - Je comprends parfaitement, mais sache, David, que si tu es au courant d'un cas d'esclavage domestique, il te faut le signaler. C'est grave.
- Tu vois, intervient ma mère, ton père aussi parle de signalement et non de délation.
[...]
- Il est vrai qu'en France, la dénonciation, loin d'être considérée comme un devoir civique, est porteuse d'une connotation péjorative. Nous sommes largement marqués par le traumatisme de l'Occupation. Il y a eu tellement de dénonciation de résistants, de juifs, du marché noir que l'idée même de dénonciation est devenue suspecte. Pourtant, ce n'est pas la dénonciation elle-même qui fait la délation, mais bien ses motivations : haine, appât du gain ...
- C'est vrai intervient ma mère. Ainsi, quand Serge Klarsfeld dénonce des criminels nazis, personne ne le traite de délateur. Bien au contraire !

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