Excellent ; mon coup de coeur de l'année probablement.
Le nom d'Isabelle Pandazopoulos m'a attirée (j'ai lu, et beaucoup apprécié, La Décision) le sujet (Mai 68) m'a retenue.
J'ai donc ouvert le livre, qui commence par la présentation des trois filles et leurs familles.
Surprise : ces trois filles sont nées la même année que moi !
Je me suis lancée dans la lecture avec le plaisir de retrouver des sensations et des souvenirs, et aussi de voir vivre ce que j'avais raté, parce que je n'étais pas à Paris, parce que de près, on ne voit pas tout, parce que le recul aide à comprendre.
Mais, au-delà des souvenirs, ce livre a la grande qualité de nous présenter non pas juste les événements de 68, mais surtout ce qui les a amenés. Sous couvert d'un roman, très facile à lire et très prenant, nous voyons vivre les années précédentes, et comprenons comment on en est arrivé là. Et pas seulement en France, puisque la Grèce des colonels, et Berlin et la construction de son mur y ont une grande place.
Roman épistolaire, parsemé de quelques documents et photos d'époque. Roman à la fois très riche et très facile, même si on ne connait pas la période.
Une des filles, Suzanne habite Paris, une autre, Magda vient de revenir à Berlin, elles sont cousines et on comprend peu à peu qu'il s'est passé des événements difficiles dans leur vie. La troisième, Cléomèna s'enfuit de Grèce après l'instauration de la dictature des colonels, et va se retrouver hébergée à Paris dans la famille de Suzanne.
Je ne vais pas essayer de résumer un roman aussi dense. On suit à la fois le parcours de ces filles, depuis 1966, leurs vies sentimentales qui se mêlent aux événements politiques, tout est lié.
Une période historique qui se déroule sous nos yeux, de façon pas forcément subjective bien entendu.
Et ce vent de liberté qui souffle sur toute l'Europe, dont personne ne sortira indemne, mais qui nous a changé à jamais.
Tellement meilleur qu'un cours d’histoire, je conseille à tout le monde de le lire. En cette période anniversaire, où j'ai un peu l'impression qu'on confond la situation actuelle et celle d'il y a 50 ans, ce roman présente vraiment bien les origines.
Et il est aussi très agréable à lire, même dans les situations terribles qu'il évoque.
Extraits :
Lettre 26
Ilse Lavagauleyne au député Lucien Neuwirth
Monsieur le député,
J'ai beaucoup d'admiration pour le combat que vous menez qui vise à faire adopter le projet de loi autorisant la contraception en France. Jamais je n'aurais imaginé que fussent possibles les propos délirants que votre proposition provoque, ces accusations de pornographie, cette peur de voir la France victime d'une "flambée d'érotisme". Je suis consternée par leur violence, par cet étalage de vulgarité, par la vision que les députés de notre Assemblée nationale ont de ce que doit être une femme. Plus consternée encore par la fureur de l'Église catholique et l'énergie farouche que déploient les prêtres pour empêcher que la question ne soit tout simplement posée et débattue avec un tant soit peu de sérénité.
Mais de quoi ces hommes ont-ils donc tous si peur ?
***
Je ne crois pas au retour en arrière. Au retour à l'ordre ancien, comme si rien n'avait eu lieu. Les séismes laissent des failles pour longtemps. La jeunesse ne se laissera plus faire. Les femmes non plus, Suzanne. Je le crois profondément. plus jamais. Ici comme ailleurs. Nous voulons vivre libres et disposer de notre corps et de notre vie. Le combat continue.
***
Si tu veux mourir, jette-toi par la fenêtre, ce sera plus efficace.
Si tu veux te venger, prends les armes et tue-les !
Mais si tu veux changer le monde, alors il va falloir accepter de vivre avec nous tous et rendre possible les rêves que nous faisons pour demain.
Éditeur : Gallimard 10/2017
Collection : Scripto 329 pages
Résumé Babelio
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire