Un superbe réquisitoire contre l'absurdité de la guerre, de toutes les guerres. D'autant plus actuel à présent qu'elle est à nos portes.
Un roman qui commence comme du Jane Austen, et qui se termine dans l'enfer des tranchées.
Une écriture toute en légèreté, un humour toujours présent.
Sous des dehors de comédie un brin romantique, de sujets importants sont abordés ici.
D'abord, la triste vie des femmes célibataires sans revenus, et il est difficile d'imaginer ce qu'on pouvait leur imposer.
Puis l'arrivée de la guerre, d'abord sous la forme des réfugiés belges. Le ridicule et la mesquinerie des manifestations prévues pour les aider : thés, réunions festives, toujours avec un maximum de décorum et un minimum d'ouverture.
Hypocrisie et stupidité deviennent terribles quand il s'agit de statuer sur le sort d'une pauvre fille violée. Non content de la mettre à l'index, on écarte ceux qui ont pu l'aider comme des pestiférés.
Une analyse fine de l'état d'esprit à l'aube de la guerre, partage entre fierté de défendre la patrie, et angoisse et tristesse de savoir que parmi tous ces jeunes gens, combien reviendront, intacts ?
Aggravé pour nous par le fait qu'on sait que non, cette horrible guerre ne dura pas quelques semaines comme espérée.
Les réfugiés font hélas écho à l'accueil actuel des Ukrainiens.
La non-intégration des Roms, là comme ailleurs, est aussi abordée de façon poignante.
J'avais énormément aimé le premier roman de l'autrice La dernière conquête du major Pettigrew, lu il y a déjà dix ans, qui sous des dehors légers et drôles abordait aussi des thèmes profonds.
Coup de cœur un peu moindre pour celui-ci, à cause du thème de la guerre qui m'est dur. Mais ça demeure dans l'ensemble un roman drôle et léger, qui démontre cependant largement l'absurdité et l'horreur de la guerre, encore plus quand un commandement rigide et obtus s'en prend à son propre camp.
Je ne suis pas près d'oublier Snout !
Extraits :
- Il est bien plus poli d'admettre qu'on ne lit pas, remarqua Lady Emily. Qui en a le temps ? Cela ne nous empêche évidemment pas d'avoir tous les ouvrages de M. Tillingham dans notre bibliothèque. J'accorde toujours à votre dernière publication une place d'honneur à côté de mon fauteuil de salon, M. Tillingham. J'ai un marque-page spécial avec un gland de soie de chez Fortuny.
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- Il est regrettable d'obliger une épouse à passer d'aussi longues années à l'étranger. Cela ne peut qu'encourage de légères faiblesses de caractère. Ma propre chère épouse n'a jamais quitté les limites de l'Angleterre du Sud et ne mettra jamais les pieds à Londres sans que je le lui ordonne expressément. Pour elle, la décence passe avant tout.
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En aggravant son impécuniosité par son intelligence, elle se rend immariable.
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Ils repartirent en continuant d'échanger des propos grossiers sur l'apparence et l'attitude guindée de Hugh, qui comprit enfin que ces rustres à l'esprit prosaïque constituaient un élément aussi essentiel à la légendaire épine dorsale de l'Angleterre que l'esprit qui régnait sur les terrains de sport d'Eton.
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Une joyeuse compagnie est aussi bienvenue à la mélancolie que du jus de citron sur une brûlure.
***
C'est toujours à nous, les vieilles, d'enterrer nos enfants, dit Mme Stokes. Pour quoi le Bon dieu ne nous prend-il pas à leur place ?
[...]
- Quand je Le verrai enfin, je Lui ferai savoir ce que je pense, croyez-moi, reprit Mme Stokes. Même si je dois finir en enfer, j'aurai mon mot à dire.
Titre original : The Summer before the War (2016)
Traduit de l'anglais par Odile Demange
Nil édition - 2016 - 630 pages
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