Les Prénoms - Florence Knapp

 

Un roman assez étonnant par sa forme, une écriture douce et très belle, une lecture que je recommande.
Trois scénarios possibles autour d'une décision.

Un roman original autour de l'emprise psychologique, la perversion narcissique, le féminicide, l'orfèvrerie, la famille, la résilience ...

Nous faisons la connaissance de Cora en  1987, elle part avec Maia, sa fillette de neuf ans déclarer la naissance de son nouveau-né. Nous les suivrons jusqu'en 2022. 

Avec trois possibilités, comment va-t-elle appeler ce bébé ?

Gordon, comme son père, car pour lui, ça ne souffre aucune discussion, prénom de son propre père, pas question d'y déroger.

Julian, comme Cora rêverait de le nommer, pour qu'il soit, peut-être, différent de son père.

Bear, pour faire plaisir à Maia, avec un prénom à la fois doux et courageux.

Son choix ne sera pas anodin, au-delà de la consonance du prénom lui-même.

Car le père, médecin respecté voire adoré de la clientèle, est dans l'intimité de la famille bien différent. Il ne fait pas bon s'opposer à lui. 

Les trois vies vont se dérouler sous nos yeux, fort différentes pour tous.

C'est passionnant de suivre les conséquences d'une décision qui va bouleverser le futur.

On s'attache aux personnages, on aime les retrouver d'une époque à l'autre. Comparer ce que chacun devient. Surtout s'émouvoir de la vie de Cora face à ce tyran domestique.

J'ai apprécié aussi les passages sur les bijoux, leur fabrication leur symbolique.

Hélas, mon grande manque de mémoire a un peu entaché mon plaisir de lecture. 

Puisqu'on alterne les trois situations, avec les mêmes personnages (à part le prénom central) j'ai eu du mal à me souvenir si tel évènement s'était produit ici, ou bien où en étaient les personnages. À mesure que j'avançais, je me perdais de plus en plus dans les situations : qui était mort, qui était vivant, qui en couple, ou pas, etc.

Je pense le relire un jour chaque partie d'un bout à l'autre, pour mieux profiter de chaque vie.

À réserver aux lecteurs ayant un peu plus de mémoire que moi ?

Couverture :

J'aime beaucoup l'illustration, sobre mais tout à fait parlante.

Mais en découvrant le livre, j'ai déploré les phrases de commentaires en première de couverture.

Sur la 4e, je trouve que ça peut être une forme de publicité qui trouve sa place, avec le résumé, on hésite à l'achat, on essaie de nous persuader. Pourquoi pas.

Mais sur la 1e, on a en main un livre qu'on s'apprête à découvrir, on cherche à deviner s'il nous plaira, avec le titre, le dessin, éventuellement le nom de l'auteur s'il nous est connu.

Les commentaires d'autres lecteurs sont pour moi incongrus à cette place. Ça m'agace profondément.

Comme si quelqu'un se faufilait sur une photo que je suis en train de prendre. 

J'ajoute qu'à mon avis, la première phrase de présentation du livre induit un peu en erreur : 

"Et si le choix de votre prénom déterminait le cours de votre vie ?"

Ça m'avait laissé penser à une interprétation des caractères selon le prénom choisi, comme on en trouve souvent dans les livres pour futurs parents.
S'il y a un tout petit peu de cela, ce qui change quand même essentiellement, c'est la réaction des personnages : Cora osera -t-elle affronter son mari, à qui elle se soumet habituellement. Va-t-elle prendre le risque d'une réaction excessive et dangereuse ?

C'est cela qui changera leur vie.

Extraits : 

Et elle adorait lire. Il ne la laissait pas avoir ses propres livres, mais elle aimait me lire les miens à voix haute. Chaque soir, avant qu'il rentre à la maison. Anne de Green Gables. Les Quatre Filles du docteur March, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur.

[...]

Elle ne jugeait jamais, ne disait jamais pas celui-ci, ou tu ne devrais pas lire ça.

***

- Il existe toute une hiérarchie dans le monde médical et aux yeux d'un neurochirurgien, un comme son père du moins, un  généraliste ne vaut pas mieux qu'un réceptionniste. Ils peuvent référer un patient, demander des analyses, prescrire une ordonnance, mais ce n'est pas la même chose que d'avoir le cerveau de quelqu'un sous votre scalpel et de lui rendre le don de la parole. Son père se prenait sincèrement pour Dieu.

***

Pour en revenir à la course, même quand tu es moins en forme, le plaisir est toujours là.

***

Bref, c'est ainsi qu'on essaye d'être un bon catholique ! S'apercevoir que ses pensées ne sont pas saines. Faire pénitence et tenter de s'améliorer la prochaine fois.

[...]

Julian se laisse toujours convaincre par cette version de la religion selon Orla. Puis il pense aux curés, aux enfants de chœur victimes d'abus sexuels, aux mères célibataires forcées d'abandonner leurs bébés, aux hommes qui battent leurs femmes et se rendent ensuite au confessionnal obtenir l'absolution. Et il ne veut pas en entendre parler.

Titre original : The Names (2025)

Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Carole d'Yvoire

Éditeur : JC Lattès - 1 octobre 2025 - 347 p. - 21.90 €

Résumé Babelio