Depuis Les Lettres Persanes, les contacts entre civilisations différentes est toujours un sujet qui intéresse et fait parler. Même à présent qu'on voyage en un clin d'oeil à l'autre bout de la planète, et qu'on part souvent travailler sur d'autres continents, les différences de vie nous intriguent et nous interpellent.
J'étais très curieuse de découvrir le témoignage de Chunyan Li, et je n'ai vraiment pas été déçue.
Non seulement le sujet est intéressant, et bien traité, mais l'écriture est agréable, c'est très bien écrit et on n'a pas envie de le lâcher, ça se lit vraiment comme un roman.
L'autrice nous parle d'abord de son enfance et de sa jeunesse, élevée par des parents prêts à se sacrifier pour que leurs filles accèdent aux études et puisse atteindre une vie plus facile que la leur (et s'occuper d'eux dans leur vieillesse). Consciente de leurs efforts, elle va tout mettre en oeuvre pour être la meilleure, pour réussir chaque phase de ses études, ce qui en Chine signifie ne s'occuper que de ça, pas de sortie, pas de flirts, pas de distractions.
La réussite est au bout pour elle, et l'excellence. Grâce à son travail acharné, mais sans doute aussi parce que son père a toujours cru en elle, ça aide.
On va beaucoup sourire, car la France, elle en rêvait, mais elle ne s'attendait pas forcément à tout ce qu'elle va trouver.
J'aurais envie de vous retranscrire plein d'anecdotes amusantes. Mais ce n'est pas un simple recueil d'anecdotes, mais une vraie histoire, celle de sa vie.
Sa maîtrise de la langue française, qui était excellente pendant ses études, s'avère ... trop "correcte". Le langage oral et familier n'est pas ce qu'elle a appris ! Quant à dominer l'art de la bise parisienne, ça prend du temps !
J'avoue que sur certain points, je me suis sentie plus proche de la mentalité chinoise que parisienne, comme par exemple sur les relations hommes/femmes. (Sans doute à cause de mon grand âge ?? 😊)
Ou sur la dictature du "bonjour" indispensable, qui me parait une invention récente.
Peu à peu, elle va progresser dans la connaissance des us et coutumes de son curieux pays d'adoption !!
Ensuite, certains impairs qu'elle commet ne sont pas forcément dus au fait d'être étrangère.
Je pense par exemple à son erreur sur l'utilisation du pain dans un grand repas. Elle en sait bien plus que moi sur les bonnes façons dans les restaurants français haut de gamme !!
Ce qui m'a un peu moins intéressée, c'est son parcours amoureux, sa recherche en vain de l'homme idéal. Car persuadée que la France est la patrie du romantisme, et n'ayant pas eu le temps de s'intéresser au sujet pendant ses études, elle enchaîne les déceptions. Surtout semble-t-il parce qu'elle recherche l'homme idéal, avec un brin de naïveté. Tout l'opposé de son attitude dans le travail, où sa haute intelligence lui permet de grimper rapidement les échelons. Je ne suis pas certaine que la cause de ses difficultés dans le domaine du couple soit son origine. Même si chercher un Français, prêt à partir en Chine pour la suivre ajoute encore de la complexité !
Un livre qui se lit aussi agréablement qu'un roman, et qui nous fait découvrir bien des choses.
Si Chunyan Li l'a écrit seule comme il semblerait, un grand coup de chapeau à son français, à la fois plus correct que la plupart, soutenu mais abordable, un régal à lire.
Extraits :
L'allemand est utile dans la conduite des affaires, mais ce n'est pas une langue très prisée des Chinois. D'ailleurs, le "tschüss" allemand, qui signifie "au revoir", se prononce exactement de la même façon que "va mourir" en chinois. Sympa.
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À mes yeux et à ceux de beaucoup de Chinois, le français est la langue de la grande littérature par excellence. J'ai vibré avec Julien Sorel, je me suis révoltée avec Edmond Dantès, j'ai versé des larmes sur l'épaule de Cosette.
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Ce que j'ignore encore, c'est que le bonheur de la langue française s'arrête le jour où l'on décide de l'apprendre. Le cauchemar. Mais quelle idée d'avoir inventé une langue si compliquée ? Dans quel but si ce n'est celui de rendre son apprentissage impossible ? La première absurdité du français, c'est cette lubie incompréhensible qui consiste à vouloir donner une identité sexuelle aux objets. Mais pourquoi donc un livre est-il de genre masculin et une lampe de genre féminin ?
[...]
Et le grotesque de la situation ne s'arrête pas là. Pour une raison inconnue de tous, le mot "après-midi" n'a pas de sexe. Ou plutôt si : il est hermaphrodite.
(p. 48)
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Après avoir payé mon entrée, un garçon du BDE appose un tampon violet au dos de ma main gauche. Bizarre : la dernière fois que j'ai vu un tampon de la sorte en Chine, c'était sur un cochon d'abattoir pour signaler qu'il était mangeable et ne portait aucune maladie.
Éditeur : L'Archipel - 4 février 2021
301 pages - 20.00 €
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