Un thème excellent, beaucoup d'humour et d'originalité, mais, je ne sais pourquoi, j'ai peiné à le lire. Hésitant même à plusieurs reprises à l'abandonner. (Mais je voulais savoir qui a tué Glenn !)
Je suis dans d'assez mauvaises dispositions pour lire en ce moment, et ce roman demande sans doute un peu plus d'attention et de réflexion.
Pourtant, quelle bonne idée !
George Glenn était un berger irlandais atypique, et ses moutons l'aimaient bien. Entre autres parce qu'il leur lisait des histoires et des romans, et aussi parce qu'il leur avait promis de les emmener en Europe, lieu où comme chacun le sait, il n'y a que des pommiers et de l'herbe, le rêve pour le troupeau !
Hélas, George ne les emmènera pas en Europe, il est mort, sur le pré, une bêche en travers du corps.
Pourtant, hier encore, il était en parfaite santé. ... Mais une bêche n'est pas un virus !
Les moutons réclament justice.
Et comme les hommes ne semblent pas près de deviner ce qui s'est passé, et sont plutôt préoccupés de sauver leur peau, le troupeau va devoir enquêter.
Pas simple, même si, grâce aux romans d'amour que leur lisait George, ils savent beaucoup de choses. Et puis, ils sentent, bien mieux que les humains. Ils sentent la peur chez ceux qui viennent fouiller les lieux, ils sentent la mort en approchant de Ham le boucher, etc.
Et ce n'est pas simple, il y a eu des trafics, des morts cachés, des chutes inexpliquées, des peurs chez les hommes et chez les moutons. Peur du loup, peur des fantômes.
Ces moutons sont vraiment des moutons, et en même temps, souvent fort intelligents. L'ennui, c'est que s'ils comprennent les humains, ils ont du mal à s'en faire comprendre.
Ce qui est très drôle, c'est qu'ils comprennent beaucoup de choses, et en même temps, beaucoup de mots leur sont hermétiques, ou pris au premier degré.
Pourquoi ces humains cachent-ils de l'herbe, alors qu'il y en a plein la prairie ? Le curé, c'est dieu pour eux. Et cet homme cloué sur deux bouts de bois, c'est quoi ?
Pour le concours du mouton le plus malin, il faut venir faire un numéro. Où trouver un numéro quand on ne sait pas ce que c'est ?
L'autrice s'est amusée sur les noms des moutons, Miss Maple (dont on apprendra en cours de roman son lien avec le sirop d'érable !), Maude, Othello, Cloud, Heidi ....
N'étant pas une brebis, je n'ai pas toujours tout compris, entre le paranormal et le réel, mais qu'importe, ces moutons sont tellement attachants, et inoubliables. Je pense que je ne verrais plus jamais un troupeau du même oeil !!
Amusant pseudo en clin d'oeil à Proust pour une autrice allemande !
Extraits :
- Non, mon petit. L'esprit de George ne va pas revenir. Les hommes n'ont pas d'âme. Pas d'âme, pas d'esprit, rien. C'est aussi simple que cela.
- Comment peux-tu dire une chose pareille ! s'insurgea Mopple. Nous ne savons absolument pas si les hommes ont une âme ou non. Il y a peu de chances, d'accord, mais cela reste possible.
- Même un agneau sait bien que l'âme se loge dans l'odorat. Or les êtres humains sentent très mal.
***
[Après la mort de leur berger] Sir Ritchfield [mouton chef du troupeau] décida de compter ses moutons.
C'était un travail de longue haleine, car le vieux ne savait compter que jusqu'à dix, et encore, pas toujours. Ils devaient donc se rassembler en petits groupes. Des disputes éclatèrent parce que certains prétendaient n'avoir pas encore été enregistrés alors que Ritchfield affirmait le contraire. Tous avaient peur d'être oubliés et, par conséquent, de ne plus exister. Quelques-uns changeaient même de place en cours d'opération pour compter double : mieux valait être prudent. Ritchfield bêlait et soupirait. Enfin, il en vint à la conclusion qu'ils étaient trente-quatre dans la prairie. Alors, ils se regardèrent d'un air déconcerté. Ils prirent conscience de leur ignorance : ils ne savaient pas combien ils auraient dû être. Ce nombre obtenu avec peine ne leur servait à rien.
Ils étaient très déçus. Ils avaient espéré se sentir plus en sécurité après le recensement. George semblait toujours satisfait une fois qu'il les avait dénombrés.
***
Toutes les histoires ont une fin. Il ne sert à rien de jeter le livre avant la fin juste parce qu'il y a un passage qu'on ne comprend pas.
Titre original : Glennkill (2005)
Traduit de l'allemand par Frédéric Weinmann
Nil éditions 10-18 ; 2020
Format poche ; 404 pages ; 8.90 €
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