mercredi 19 janvier 2022

Terre promise – Philippe Arnaud

Un roman sublime, mais un peu désespérant, tant de violence en l’homme !
Je me doutais en commençant la lecture d’un « western » qu’il y aurait probablement plus de violence que je ne peux supporter, mais la plume de Philippe Arnaud est si merveilleuse que j’ai choisi de le lire quand même, et heureusement, il aurait été dommage de passer à côté d’un si beau livre.
Tant de thèmes importants qui s’entremêlent, et tant d’empathie pour ses personnages, de figures fortes, de gens emportés par l’époque et leur condition.

Difficile de parler de tout, ce roman est si riche, si prenant.

L’essentiel du récit se déroule au Kansas en 1870, cinq ans après l’abolition (théorique ?) de l’esclavage. Mais de fréquents retours en arrière nous permettent de comprendre peu à peu les motivations des personnages.
Une shérif qui tient sa ville d’une poigne énergique, Ellen, si forte et si fragile.
Un noir qui a su dépasser sa haine, grâce à la musique, et à la voix de celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer. 
Un jeune sudiste qui ne sait de quel côté pencher, entre une obsession de vengeance, son moi profond qui n’était pas fait pour être ni un planteur, ni un soldat, sa honte de l’erreur de jeunesse qui le poursuivra toute sa vie.
Des Indiens et d’autres esclaves. Et un tueur sanguinaire.
L’auteur sait étonnamment se glisser dans la peau de chacun, nous faire pénétrer leurs pensées profondes, leurs raisons, leurs côtés positifs et négatifs.
On s’attache énormément aux personnages, particulièrement au barman noir, ce géant si émouvant.

Mais on entre aussi de plain-pied dans cette période de l’histoire américaine. Qu’on connait « de l’extérieur » mais ici, on vit avec les gens. De la plantation de coton et ses esclaves, moins considérés que le bétail, au saloon et ses pauvres filles. Le « chemin de fer clandestin », les Indiens, qui peuvent être dangereux, qui peuvent aider aussi, selon les relations qu’on a pu établir avec eux qui ressentent profondément la nature et les gens.
Le ressentiment des sudistes contre les nordistes, qui pour eux vont à l’encontre à la fois de Dieu, et du bon sens.

J’aimerai parler encore et encore de ce roman tant il est puissant et passionnant.
Le seul point négatif pour moi est la violence, que j’ai beaucoup de mal à lire. Je le proposerais seulement pour les grands ados et les adultes.
Mais ça m’est personnel, je pense que ça ne choquera pas grand monde à part moi. Je lis essentiellement des choses légères ; ce roman est tout de même un roman jeunesse, ce que je trouve violent ne vous paraîtra sans doute que la transcription d’une triste réalité.

Lisez-le, vous l'aimerez forcément !

La minute perso : 
J’ai reçu en livre de prix « La case de l’oncle Tom », en version adaptée enfant. Je crois bien n’avoir jamais osé le lire, il serait temps que je m’y mette non ? 
À la réflexion, j’ai dû le lire à l’époque. Nous avions très peu de livres et je dévorais, ça m’étonnerait que je l’aie laissé de côté ! Mais jamais eu le courage de le relire depuis (pourtant, il doit être pas mal expurgé, offert par ma maîtresse de CE2 !

Extraits :

D’un coup, Jim sentit le sang lui monter au cerveau. Il était en train de discuter tranquillement - et respectueusement – avec un nègre au sujet d’une femme shérif qui s’était emparée de son âme, en pleine Babylone ?!

***
Ce n’était pas la première fois de sa jeune existence qu’Oiseau Moqueur ressentait douloureusement sa différence […] 
Mais lui était trop imprégné des vibrations du monde autour de lui pour les imiter. Il percevait l’harmonie, et la rupture de celle-ci. Il sentait au-delà.

***
Il ne résiste plus, laisse l’homme blanc le tirer jusqu’aux limites du domaine, avant de repartir dans la nuit noire. Resté à l’écart, le contremaître qui l’a tuée le regarde de loin, main sur son revolver.
Alors, il fuit, la tête vide. Son corps le porte, jusqu’à la forêt qu’ils ont souvent contemplée du domaine, Rachel et lui. Et puisque ce corps inutile s’obstine à vouloir vivre, il le laisse courir toute la nuit, et tout le jour suivant dans la forêt.

Éditeur : Sarbacane - 5 janvier 2022 NOUVEAUTÉ
Collection :  Exprim' ; 297 pages ; 17.00 €

Mes autres lectures de Philippe Arnaud :

La Proie    (Exprim')





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire