Alice, la narratrice, revient chez sa soeur Margaux, un peu parce que celle-ci est en train de perdre la vue. Mais surtout parce qu'elle est elle-même perdue dans sa vie, professionnelle comme amoureuse.
Margaux, malgré son handicap qui s'aggrave rapidement, l'obligeant en mettre en pause son activité de restauratrice, va tout faire pour remonter le moral de sa petite soeur. Elle a toujours été la battante.
L'aider passe par la nourriture, mais aussi en lui racontant des histoires, comme quand elle était petite. Mais à présent, ce sont des histoires de famille. Et elles ont aussi un rapport avec la nourriture.
On va ainsi se balader d'une époque à l'autre, de Venise à Arles en passant par la Bretagne et l'Islande.
Avec en prime quelques recettes de leurs ancêtres.
Le thème est intéressant, savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va, comprendre d'où viennent les traditions et les peurs familiales.
Chaque "petite histoire" narrée par Margaux est prenante.
J'ai pris grand plaisir à partir soudain sans m'y attendre dans la Sérénissime.
Je connaissais bien entendu l'origine du ghetto, mais très peu de lectures m'ont amené à Venise à cette époque, et j'ai trouvé passionnant d'entrer dans le ghetto.
Les autres "intermèdes contés" sont intéressants aussi.
Arles et Van Gogh notamment, où l'autrice intègre les dernières découvertes au sujet du peintre, de son oreille, et de la petite bonne (Rachel / Gabrielle) mordue par un chien enragé.
À noter que pour chaque recette, les ingrédients sont notés en interlude du roman. Mais ensuite, la préparation est partie intégrante de l'histoire, on suit la cuisinière faisant chaque geste tout en bavardant.
J'ai trouvé à ce roman un petit côté des Sept sœurs, de Lucinda Riley. Le passage de notre époque à une autre, dans le passé des personnages, et aussi croiser quelques personnages réels, Le Bernin, Van Gogh.
Cependant, j'ai regretté qu'il y ait tant d'histoires différentes en un seul volume, on s'attache à des personnages, et aussitôt il faut les quitter ! Changer de lieu, changer d'époque. Sans forcément voir tout de suite le lien avec le reste. Il se devine tout doucement, jusqu'à l'arbre généalogique final !
À vous de voir si vous avez envie de voyager avec cette belle histoire, entre deux restauratrices, entre cuisine et art.
Extraits :
La vérité est dans le fumet des bouillons, le croustillant d’une pâte, la caresse chaude d’un caramel. Les plats contiennent le sel des larmes de chagrins cachés, les vapeurs naissantes des rivages perdus, la douceur des amours éprouvées, l’acidité de nos cruautés et le sucre de nos langueurs. Ces histoires-là se goûtent, se respirent. Le juste et le vrai sont tapis dans les saveurs qui portent d’âme en âme les souvenirs, les anecdotes, les rires, les pleurs vécus ou rapportés, en épluchant les légumes, en plongeant les mains dans la farine, en triant les lentilles. Margaux connaît tout ça par cœur. Elle est conservatrice du matrimoine.
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J’ai passé une partie de l’après-midi à lire devant la fenêtre de ma chambre un bouquin exaspérant de développement personnel, rempli de bonnes résolutions écœurantes à prendre. J’ai corné des pages et surligné quelques phrases utiles. Margaux dit que c’est plutôt dans les livres de cuisine qu’il faudrait chercher les voies de la sagesse !
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RECETTE N° 1
LES OREILLES D’HAMAN DE YANNAH
Le jus d’un citron et le zeste d’une moitié d’orange
250 g de farine
100 g de sucre en poudre
125 g de beurre froid en petits morceaux
1 œuf
1 sachet de levure chimique
Et pour le petit mystère caché au cœur du biscuit :
De la pâte de pruneau ou d’abricot ou de la confiture de figues et des noisettes concassées, ou bien encore de la framboise, ou même une pâte à tartiner au chocolat, certains choisiront des dattes moulues avec des noix, des pistaches, des raisins secs, mais les puristes utiliseront des graines de pavot broyées… À chacun sa vérité !
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La morue est un poisson escroc qui se fait passer pour autre chose que ce qu’il est ! On le sale, on le sèche, avant de le dessaler pour le réhydrater… Franchement, à notre époque, pourquoi fait-on ça ?
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- Et je suis le seul Breton à avoir pêché une Arlésienne d’un mètre soixante-cinq !
Éditeur : L'Archipel - 12 mai 2022 - NOUVEAUTÉ
Collection : Instants suspendus
275 pages ; 18.00 €
Lu en numérique via NetGalley
Mes lectures de la collection "Instants suspendus" :
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