dimanche 10 octobre 2021

Le Lys de Brooklyn

 
Ce roman est fascinant. Je comprends qu'il ait traversé les lustres, les décennies et le siècle !

A la fois
La description minutieuse d'un monde à jamais révolu, la vie à New York pour les plus pauvres au début du siècle passé. Et des réflexions profondes sur le sens de la vie, sur ce qu'est l'éducation aussi.
Le tout dans un texte qui se dévore, jamais lassant, toujours passionnant.
Je l'ai dévoré, et me sens un peu orpheline après avoir dû le refermer !

Tout m'a intéressé, aussi bien ce dont je n'avais pas la moindre idée, que ce qui m'a ramené à des souvenirs de mon enfance, même s'il se déroule bien avant ma naissance, Francie étant de la génération de mes parents.
Les boulettes de ma mère, si délicieuses, et dont je n' ai jamais eu l'idée de demander la recette, les boutiques, même si je n'habitais pas vraiment en ville, le moulin à café dont on tournait la manivelle dans la cuisine, les réminiscences du confessionnal, la petite grille qui s'ouvre...  Et aussi l'apprentissage de la dactylo "au toucher" (ma soeur au sortir de ses cours m'enseignait cela sur sa petite Olivetti portative !)

1912, Williamburg, quartier déshérité de Brooklyn. Francie à onze ans, un petit frère de dix, une mère qui s'épuise au travail, aimant ses enfants mais dure à la tâche, dure avec elle-même et avec les autres ; un père artiste, éternel adolescent qu'elle adore même s'il assume difficilement son rôle paternel.

Nous allons suivre sa vie jusqu'à son entrée dans l'âge adulte, une vie faite de petits plaisirs, de grandes peines et de beaucoup de difficultés financières. Une vie étonnamment rythmée par la lecture de Shakespeare et de la Bible, en intégralité et on reprend au début !!
Des personnages forts, une vie de petits riens et de difficultés, mais sans jamais baisser la tête. Une vie où on compte chaque sou, mais où on admet que gaspiller (un peu) fait aussi partie des petits plaisirs.

Je n'en dirai pas plus parce que si je commence à raconter, je vais vous en écrire des pages, envie de parler plus longuement de Francie, de Sissy, de l'oncle détesté par le cheval, de Johnny, de la grand-mère venue d'Autriche...

Prévoyez une période où vous avez du temps devant vous, et dégustez ces sept-cents pages. Un vrai coup de coeur.

Il existe une suite : La Joie du matin
Mais ça ne semble pas vraiment la suite de l'histoire de Francie. À voir !

Extraits :

- C'est le vaccin dit maman. Le vaccin est une bonne chose ! 
Elle parlait d'une voix assurée maintenant que tout était fini.
... Le vaccin vous permet de distinguer le bras droit du gauche ! À l'école, c'est avec le droit qu'on écrit ! Et ce bobo-là sera pour vous dire : "Ouh ! Pas cette main-là ! Prenez l'autre !"

***
"Francie a droit à son bol à chaque repas, comme tout le monde. Elle aime mieux le jeter plutôt que de le boire. C'est son affaire. Je n'y trouve rien à redire. J'estime qu'il est bon que les gens comme nous puissent, une fois par hasard, gaspiller aussi quelque chose, sentir ce qu'on éprouve à avoir de l'argent, beaucoup d'argent, au lieu de toujours compter, compter, compter."

***
Avant l'école, il fallait se soumettre à la vaccination. C'était la loi. Comme on avait peur ! Les messieurs du service de santé tentaient d'expliquer aux pauvres illettrés de Brooklyn que vacciner, c'était administrer la variole sous une forme inoffensive afin d'immuniser l'enfant contre la forme mortelle. Les parents ne les croyaient pas. Tout ce qu'ils retenaient de l'explication, c'était qu'on introduisait les germes d'une maladie dans le corps de leur enfant qui était sain. Certains parents, des étrangers, refusaient d'autoriser leur enfant à se laisser faire. 

Titre original : A Tree Grows in Brooklyn (1943)
Traduit de l'américain par Maurice Beerblock
Éditeur : Belfond 2014 - 708 pages - 19.00 €
Édition de poche chez 10/18 (2016) : 9.60 €
1e parution en France : 1946





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