Après quelques lectures un peu tristes ou difficiles (pour moi !), ce deuxième volet des aventures de Sa Majesté Elisabeth II est une fort agréable récréation.
Tout ce que j'ai dit pour le premier tome, Bal tragique à Windsor, est vrai pour celui-ci, je ne me répète pas, allez voir !!
Ce que j'aime beaucoup dans cette série, c'est l'ambiance, pénétrer dans l'intimité de Buckingham et des divers lieux réservés à la famille royale. C'est plein d'empathie pour la Reine, d'humour aussi, notamment au sujet du Prince Philip, avec un magnifique hommage sur les dernières pages (en fait sur le cœur du roman, mais on ne comprend qu'à la fin).
J'avoue avoir parfois été un brin perdue dans les personnages ou l'intrigue, mais ça ne m'a pas gênée pour me régaler avec ce roman, et la fin est claire ; j'aime qu'on m'explique bien !
On fait mieux connaissance avec Rozie, comme je l'espérais dans ma précédente chronique.
La Reine a perdu depuis longtemps un "affreux petit tableau" (au dire de son royal époux) et quand elle le rencontre par hasard en un lieu où il ne devrait pas l'être, ça l'alerte tout de suite.
Chacun a beau essayer de la persuader qu'il s'agit d'un autre exemplaire, d'une copie, ou qu'elle fait erreur, elle n'en démord pas.
Je ne pense pas trop divulgâcher en précisant qu'on comprend à la fin, à la fois pourquoi elle est si sûre d'elle, et pourquoi ce tableau est son préféré, et qu'elle n'aura de cesse de le récupérer.
Vont s'ajouter à ce mystère quelques cadavres, quelques louches erreurs comptables, des lettres anonymes, des chiens bien entendus, et même les sous-sols du palais.
Mon hommage à moi sera à mon prof de compta, qui ne cessait de nous marteler lors de notre première année que nous ne devions jamais laisser passer un centime de différence, nous rappelant qu'une erreur très minime à la Banque de France avait permis de déceler un problème de plusieurs milliers de francs (voire plus, je n'ai plus les références, mais encore le souvenir de ce cours).
Rozie avait peut-être eu le même professeur que moi (ah ah) ou plus probablement est-elle très méticuleuse. C'est ce qui va lui permettre de "détricoter" une belle arnaque. Bien aidée il est vrai par Sa Majesté, humble mais fort futée.
J'ai en outre découvert Artemisia Gentileschi (je ne suis hélas pas très connaisseuse en peinture) et j'ai été éblouie par la modernité de cette peintre.
Je ne vous en dis pas plus, j'en ai déjà trop dit, mais j'ai passé un bien bon moment en royale compagnie. Et je suis ravie d'apprendre qu'un 3e tome est prévu.
Extraits :
Un mois s’écoula paisiblement dans les Highlands. Ici, elle pouvait s’entourer de gens sensés – les Écossais étaient tellement plus pragmatiques que les Anglais.
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Les travaux avaient notamment pour objectif de rendre l’endroit plus praticable pour tout le monde. Il était ridicule, par exemple, que les valets doivent parcourir huit cents mètres des cuisines à la salle à manger d’État, dont le plafond menaçait de s’effondrer et qu’on avait dû cesser d’utiliser. Pour son usage personnel, la reine n’avait besoin que de six pièces, toutes déjà fonctionnelles. C’étaient les sept cent soixante-dix autres qui posaient problème.
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Des cadeaux peu appréciés. La reine en reçoit des centaines par an. Saviez-vous qu’on lui a offert plusieurs centaines de paires de bas Nylon pour son mariage ? Littéralement. Et cinq cents boîtes d’ananas au sirop.
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De la même façon que son père collectionnait les guitares, les vinyles de musique dansante des années 1950 et les anciennes cartes de métro – dont il laissait traîner des exemplaires d’un bout à l’autre de l’appartement –, sa mère collectionnait les gens. Aux yeux de Grace Oshodi, si une tablée dominicale ne comptait pas au moins un vieil ami ou une nouvelle connaissance, c’était une opportunité manquée doublée d’un affront à la générosité divine. Sur ce point, Rozie trouvait que sa mère ressemblait à la reine, du moins quand celle-ci se trouvait à Balmoral ou à Windsor : il n’y en avait que pour le partage, l’accueil et le contact humain.
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C’était la veille de Halloween et les boutiques devant lesquelles passait le bus qui ramenait Rozie au palais vendaient des masques et des tridents. La jeune femme remarqua que beaucoup de masques en caoutchouc représentaient des politiciens. De nos jours, pour faire peur, il fallait se déguiser en Premier ministre, en bureaucrate européen ou en candidat à une présidentielle étrangère.
[Juste avant l'élection de Trump]
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Jennifer avait toujours admiré la reine mère. Quand on avait conseillé à la famille royale d’aller se réfugier au Canada pendant la guerre, elle avait écrit : « Les enfants ne partiront pas à moins que je ne parte. Je ne partirai pas à moins que leur père ne parte, et le roi ne quittera jamais le pays quoi qu’il advienne. » Ce n’étaient pas que des mots, car les bombes continuaient à tomber.
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J’imagine qu’il a volé l’argenterie de Buckingham ? La reine devrait s’estimer heureuse qu’il ne soit pas parti avec la princesse Margaret. Je parie qu’il a essayé.
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Maintenant qu’elle était plus ou moins à la dérive sur l’Atlantique, la Grande-Bretagne cherchait à resserrer ses liens ancestraux avec le Commonwealth.
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[Artemisia Gentileschi]
Elle s’y était représentée le pinceau à la main, le regard tourné vers une toile vierge sur laquelle elle s’apprêtait à commencer une nouvelle œuvre. La moitié inférieure du tableau était occupée par sa palette et sa manche de soie verte aux plis et aux reflets élaborés. En haut, la lumière tombait sur le bord lacé de son corset, mettant son décolleté en évidence. Cependant, sa tête, dans le coin droit, n’adoptait pas une pose coquette. Son regard n’était pas tourné vers le spectateur mais restait concentré sur son travail. Plusieurs mèches s’échappaient de sa chevelure noire librement nouée. On distinguait mal ses yeux. Le regard du spectateur était plutôt attiré vers son bras droit, levé et musclé, qui tenait le pinceau, prêt à laisser son empreinte sur la toile. La manche de ce même bras avait glissé, révélant sa peau. Mais l’objectif n’était pas de créer un effet sensuel – et c’était pour ça que Jennifer l’aimait tant. Il ne s’agissait que du résultat fortuit de l’activité à laquelle elle se consacrait. C’était une femme qui racontait comment se sentait une femme qui exerçait le métier qu’elle aimait et s’en sortait très bien. Vous pouviez l’observer si ça vous chantait, mais elle avait mieux à faire.
Titre original : A Three dog Problem (2021)
Traduit de l’anglais par Mickey Gaboriaud
Éditeur : Presses de la Cité - 13 janvier 2022 - NOUVEAUTÉ
425 pages - 14.90 €
Lu en numérique via NetGalley
Version numérique : 9.99 €
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