vendredi 3 mars 2023

Perles de Lune - Di Morrissey

 
Un roman bien intéressant, notamment parce qu'il nous parle des Aborigènes, qu'on les voit vivre "de l'intérieur". On suit aussi bien ceux qui ont gardé leur vie traditionnelle que ceux qui vivent chez les Blancs, et même ceux que les religieux croient naïvement avoir convertis. Il est question aussi des métis, dont la position est presque pire.

Difficile de parler d'un roman quand il ne correspond pas à ce à quoi qu'on s'attendait. Je pensais lire un roman d'aventures mettant en scène une femme forte, mais plutôt feel good, comme j'en ai lu plusieurs sur l'Australie. Mais celui-ci m'a surprise par sa noirceur. Beaucoup de morts, beaucoup de tristesse.
Des décès qui surviennent aux moments opportuns pour l'intrigue ! Mais d'autres plus tristes et étonnants.
(Attention, c'est triste par rapport à ce que j'en attendais, et à mes lectures habituelles, mais ça reste une lecture facile et agréable).

Le roman se déroule sur deux périodes :
En 1995, Lily au lendemain de la mort de sa mère, s'interroge sur sa famille. Elle n'a jamais connu ni grand-parent, ni aucun cousin, et sa mère s'est toujours refusée à lui dévoiler quelques pans de son histoire familiale. Souhaitant avoir quelque chose à transmettre à sa fille, actuellement étudiante au loin, elle va partir, avec quelques rares indices, sur les traces de ses ancêtres.
Après quelques mésaventures, elle déniche le journal d'Olivia, qui semble se rattacher à sa famille.
La majeure partie du roman est constituée de ce journal, de 1893 à la seconde guerre mondiale.
puis quelques pages nous ramènent en 1995.

J'ai trouvé le début un peu lent. Tout change quand nous entrons dans le journal d'Olivia, qui nous fait découvrir un monde et des aventures incroyables.
Cependant, je ne sais si c'est dû à l'écriture, qui m'a un peu moins accrochée même si c'est très bien écrit, ou au fait qu'aucun personnage ne m'a paru vraiment sympathique à part quelques subalternes, je n'ai pas eu un coup de coeur pour cette histoire.
Olivia ne porte pas le roman en fille forte, comme dans d'autres séries, et  curieusement, malgré ses débuts, le racisme affleure à ses pensées.

Étonnamment, j'ai lu volontiers mais sans enthousiasme démesuré, et puis j'ai fini par m'attacher aux personnages, et je suis restée longtemps sous le charme du livre après l'avoir refermé.
C'est pourquoi je disais qu'il m'est assez difficile d'en parler.
Après l'épilogue, j'ai repris le début, pour le relire à la lumière de ce que j'avais appris. Et finalement, je crois que j'ai bien aimé, même si bien triste souvent.
C'est une belle découverte du monde des pêcheurs de perle, de l'industrie perlière, et de tout ce qui tourne autour. 
On suit aussi le siècle, et les deux guerres mondiales. Vues de l'autre hémisphère, avec (entre autres) le déchirement pour la forte communauté de Japonais qui vivaient là en bonne entente.
On y voit le ridicule d'une certaine classe d'immigrants, qui conservent des habitudes absolument pas adaptées à ce pays chaud et sauvage, tenues, décorum...
Et toujours, les méfaits de la religion, et des religieux qui pensent que la seule valable est la leur.

J'ai regretté cependant qu'il y ait des mots oubliés. Quel dommage que même les grands éditeurs semblent vouloir réduire leurs frais de correcteurs !

J'ai été surprise de l'habitude des Australiennes de boire un verre de vin quand elles vont dans un bar. C'est rare en France, non ? On consomme plutôt d'autres boissons dans les bars ? (Il est vrai que je ne connais pas les nouveaux usages).

J'ai aimé retrouver fugacement Fremantle, où se déroule l'essentiel de la série Swan  Hill d'Anna Jacobs.

Au début de ma lecture, je m'apprêtais à vérifier si Broome était une ville existante (ma connaissance de l'Australie frôle le zéro 😌 ) et j'ai vu pile à ce moment que Jean-François Chabas, écrivain et grand défenseur des tribus aborigènes, en parlait justement. Hélas pas pour du tourisme mais pour décrire le sort lamentable que subissent encore à l'heure actuelle les Aborigènes.
Ce roman a donc une résonance toute particulière. On y lit la mise à l'écart et la vie imposée aux tribus originaires. On aurait aimé qu'en un siècle, ça se soit amélioré. Et c'est hélas l'inverse.

Extraits :

Elle rouvrit les yeux et, presque hypnotisée par le mouvement du ventilateur qui tournait lentement au plafond, s’interrogea sur sa propre attitude vis-à-vis des Aborigènes. Pendant plus d’un dîner avec ses amis de Sydney, elle avait plaidé avec fougue en faveur des gestes de réconciliation initiés par le gouvernement envers les autochtones, de leurs droits fonciers, d’un accès amélioré aux soins et d’un meilleur niveau de vie. Mais avant de venir à Broome, elle n’en avait jamais rencontré, elle ne s’était jamais vraiment intéressée à leur histoire et à leur identité.
Une citadine branchée qui baigne dans le politiquement correct, voilà ce que je suis, songea-t-elle.

***
Soudain, le cœur d’Olivia se serra. Pourquoi les hommes étaient-ils aussi excités à l’idée d’en découdre ? N’avaient-ils pas retenu la leçon du dernier fiasco et de son cortège de morts ?

Autrice : Di Morrissey (Prix : Lloyd O'Neil Award 2017 pour l'ensemble de son œuvre)
Titre original : Tears of the Moon (1995)
Traduit de l'anglais (Australie) par Penny Lewis
Éditeur : L'Archipel - 9 février 2023 - 478 pages
Version papier : 24.00 € (Merci Masse Critique Babelio)
Version numérique : 16.99 € (Merci NetGalley)







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