vendredi 17 août 2018

Sally Jones - Jakob Wegelius

Je viens de passer un fort bon moment en compagnie de Sally Jones
Encore un livre inclassable, et assez inattendu.

Depuis longtemps, vu les critiques, j'avais très envie de le lire. Mais à chaque passage à la bibliothèque, je le reposais en rayon : trop gros, mais surtout pas très tentant. (Il faut dire que je ne suis vraiment pas fan des singes, quelle que soit l'espèce).
J'ai failli encore l'abandonner en début de lecture. Je le trouvais sombre et triste, il me donnait peu envie de lire.
J'ai quand même persévéré, et j'ai bien fait.
Au bout d'une soixantaine de pages, j'ai commencé à m’intéresser vraiment aux personnages, puis je me suis laissée emporter par l'aventure. Au point d'avoir bien du mal à présent à passer à une autre lecture, dur de quitter Sally Jones et ses amis.

Sally Jones est une jeune gorille, elle comprend parfaitement ce que disent les humains, mais ne peut leur répondre. Du moins oralement, car elle sait lire et un peu écrire.



Quand nous faisons sa connaissance, elle vit heureuse avec un marin qui possède son propre bateau, elle est sa mécanicienne et s'y connait vraiment bien.
Hélas une succession de graves ennuis s'abat sur eux.
Sally Jones va devoir vivre une série d'aventures rocambolesques pour sortir "le Chef" de ses ennuis.
Des quartiers pauvres de Lisbonne à l'Inde des maharadjas, elle ne sera pas épargnée, mais grâce à sa débrouillardise, son savoir-faire, sa gentillesse, et les amitiés qu’elle se crée, elle s'en sort toujours.

Beaucoup de suspens, une très belle ode à l’amitié, des aventures et des voyages, la découverte de la vie luxueuse des maharadjas, et aussi du fado, quelques notions d'histoire du Portugal, pas mal de frayeurs qui nous tiennent en haleine.
Bref, un vrai bon roman d'aventures haletant.

Un amusant trombinoscope présente au début la vingtaine de personnes que nous allons croiser, telles que les imagine l'auteur puisque c'est lui qui illustre.

Et on a sous les rabats de couverture deux intéressantes cartes en couleurs pour se repérer dans les voyages de Sally Jones.

Seul bémol, comme souvent, je me demande quel lectorat.
Édité par Thierry Magnier dans un format atypique chez lui, c'est clairement un livre jeunesse, et il peut être mis entre les mains des plus jeunes sans problème pour son contenu.
Cependant, la taille, l’impression et le début peu entraînant risque de décourager même les bons lecteurs.
Dans la bibliothèque où je l'ai emprunté, il est en section roman junior (ado). Mais je connais peu d'ado qui lisent ce type de livres.

J'ai été  surprise de lire un roman qui se passe au Portugal et en Inde, mais traduit du suédois.
Nous retrouvons à la traduction le duo Agneta Segol et Marianne Ségol-Samoy, comme pour Les Cousins Karlsson. Traduction sans doute très bonne, puisqu'à aucun moment de ma lecture je n'ai pensé que c'était traduit (on n'y pense que quand c'est "bizarre" ! ou que l'on soupçonne une traduction curieuse il me semble)
D'ailleurs, je viens d'apprendre qu'Agneta Segol avait été choisie par Astrid Lingren pour traduire Ronya. Et quand on connait les problèmes de traduction en français qu’elle a eu pour Fifi Brindacier, on suppose qu’elle était très attentive à ce choix.

Il existe un album qui relate les aventures de Sally Jones avant cet période-là, (Sally Jones, la grande aventure), j'espère bien arriver à le lire. Ca y est, je l’ai lu !

Qui en parle ? L'Île aux trésors

Extraits :

Je me souviens qu’il pleuvait quand nous sommes sortis pour aller dîner. Les lumières des lampes à gaz se reflétaient dans les pavés mouillés du quai. L’eau sale ruisselait dans les ruelles étroites de l’Alfama. Il faisait chaud à O Pelicano. Les habitués étaient serrés autour des tables rondes dans la salle enfumée. Plusieurs d’entre eux nous ont salués d’un hochement de tête ou d’un signe de la main. Des marins et des dockers, des filles de joie aux yeux cernés et des musiciens en manque de sommeil. Une imposante femme habillée en noir qui s’appelait Rosa chantait une chanson sur l’amour malheureux. C’était du fado, un genre de chansons caractéristique des quartiers pauvres de Lisbonne.

***
Un navire constitue un petit monde à lui tout seul. Il a ses propres lois et sa propre manière de calculer le temps. Quand on assure le quart jour après jour, nuit après nuit, il est facile d’oublier qu’il existe un monde aussi en dehors du bateau.

***
Malgré la réussite de l'atterrissage forcé, le maharadja était d'une humeur exécrable. [...]
En attendant l'équipe de sauvetage, le maharadja a sorti les vivres de survie : une glacière contenant du caviar de Géorgie et deux bouteilles de champagne Dom Pérignon.

***
Nous avons survolé Bhapur dans tous les sens. Nous partions souvent tôt le matin pour ne rentrer que dans la soirée. Bientôt toute la population avait vu son avion passer au moins une fois dans le ciel. Quand nous atterrissions pour déjeuner dans un champ ou dans un pré, il arrivait qu’une foule s’assemble autour de nous. La plupart du temps, le maharadja faisait semblant de ne pas les voir. Mais je remarquais qu’il était mal à l’aise en découvrant les enfants sales, les femmes maigres au dos voûté et les hommes épuisés. Je crois qu’au fond de lui, il les craignait un peu.

***
Dès notre retour à Sunahiri Bagh Palace, le maharadja a fait venir son ministre des Affaires intérieures et lui a demandé de se rendre dans ce petit village où nous avions passé la nuit.
- Je veux qu'on les aide à creuser un puits pour pouvoir arroser leurs champs et cultiver de quoi se nourrir. Et il faut qu'ils remplacent leurs masures par des maisons décentes. Je prends tous les frais en charge.
Le ministre avait l'air déconcerté et avait du mal à cacher son étonnement. Jamais auparavant le maharadja n'avait montré un quelconque intérêt pour la condition de vie des habitants de la campagne. 
En voyant sa surprise, le maharadja s'est énervé.
- Tu ne comprends donc pas que la prochaine fois que j'aurai à atterrir d'urgence dans ce petit village, j'aimerais avoir un peu de confort !

***
- Ne te crois pas en sécurité pour autant, singe ! Le maharadjah se lasse de ses lubies aussi vite qu'il les a eues. Et quand il en aura marre de toi, tu te retrouveras dans une cage au zoo. A moins que tu deviennes un appât pour les tigres ! En ce qui me concerne, je préférerais la deuxième variante ! Et je ne suis pas le seul ! Ici tu n'as pas d'amis !
Pas un seul !

Illustré par l'auteur.
Traduit du suédois par Agneta Segol et Marianne Ségol-Samoy.
1e édition suédoise 2014
Thierry Magnier 2016
Résumé Babelio
Prix August 2014
Prix sorcières Romans juniors 2017




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