samedi 13 novembre 2021

Beurre breton et sucre afghan - Anne Rehbinder

 
Un roman très intéressant sur le vivre ensemble !

L'arrivée d'un groupe de réfugiés afghans dans un village breton, vu à hauteur d'enfants.
D'autant plus intéressant que certaines situations prennent un peu le contrepied de ce qu'on lit souvent dans les romans jeunesse sur le sujet.

Par exemple, le papa accueille à bras ouvert Ekhma et son père, alors que la mère est très réticente. Il me semble qu'on voit habituellement plus d'empathie du côté féminin. Peut-être parce que comme le dit Lily, elle a "une famille à l'envers" père au foyer, mère "qui fait un métier d'homme".
Lily elle aussi, au départ, voit d'un très mauvais oeil arriver ces étrangers.
Mais on a peur de ce qu'on ne connait pas, et à mesure qu'elle va découvrir le garçonnet, ça va être plus facile pour elle. Jusqu'à une grande amitié qui va déplacer des montagnes.

Un très beau texte, très facile à lire, qui montre bien les peurs, les réticences, et qui nous fait aussi voyager, des traditions bretonnes à celles afghanes. Qui démonte les mauvaises raisons de se méfier, qui montre aussi hélas qu'on ne fait guère de progrès dans l'acceptation des différences. Mais qu'en s'unissant, on peut faire bouger.

J'aurais volontiers dit que c'est un roman à faire lire impérativement par tous.
Mais j'ai été gênée par la personnalité de la fillette, au point de n'avoir pas envie de l'offrir à mes petites, comme je l'avais prévu.
Car Lily a peur de tout, tout le temps. Elle a une vie plutôt protégée malgré le chômage de son père, mais elle est constamment dans le négatif, à imaginer le pire. C'est maladif, et je trouve très dommage de donner cet exemple à nos pitchouns, les inciter à penser à tous les aléas et les malheurs de la vie.  C'est bien suffisant quand on est adultes non ?

Je comprends que c'est pour servir le thème du roman, et aussi pour l'opposer à Ekhma, qui malgré ce qu'il a vécu est toujours positif.
Mais cette gamine quine pense que désastre et catastrophes, m'a vraiment dérangée et je n'ai pas envie de la donner en exemple à mes petites lectrices !
Je suis d'accord que si les enfants se posent les questions, il faut bien sûr leur répondre, mais quand ils ne voient pas les côtés très noirs, pourquoi les leur proposer ?

Dommage car le thème et l'histoire sont vraiment bien.

Je sais qu'une fois de plus, je vais être en totale opposition avec tous les commentaires, mais je vous donne mon ressenti. Que ça ne vous empêche pas de le lire !

Extraits :

Après l’école, c’est pareil. Parce que le plus souvent, on a mis l’âme à rude épreuve. On passe nos journées à entendre parler de la guillotine, des gens qui ont faim, des multiplications et de la peste noire.
Faut pas croire non plus que ça ne nous fait rien du tout.

***
Je déteste l’école. Je veux dire, j’aime bien apprendre, mais il y a des choses que je préférerais ne pas savoir. Sur les techniques de torture au Moyen Âge ou sur les ours blancs qui meurent à cause du réchauffement climatique.

Notre maîtresse, elle dit toujours qu’elle voudrait nous rendre plus conscients des choses graves de la vie avant qu’on rentre en sixième. Avant qu’on ait des téléphones à nous et qu’on arrête de réfléchir par nous-mêmes. Elle nous raconte les désastres qui font disparaître les oiseaux, les insectes, et qui polluent l’eau pour des millions d’années.

Elle adore les belles phrases et les proverbes du style : “Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.” Elle a écrit ça avec de jolies lettres multicolores à côté de “Faire des erreurs prouve que tu essaies” et “Tout ce qui n’est pas donné ou partagé est perdu”. 

***
Vous n'avez pas honte ? Vous pensez à ce qu'ils ont traversé ? Juste une seconde, vous y avez pensé ? Vous pensez qu'ils sautent au plafond, les réfugiés, à l'idée de se retrouver à des milliers de kilomètres de chez eux, dans notre petit village paumé ? Vous ne pensez pas qu'ils préféreraient rester chez eux, près de leurs familles ? Comme nous, en fait. Ils sont exactement comme nous ! Vous pensez qu'ils se sont levés tranquillement un matin et qu'ils se sont dit : « tiens, si on allait envahir un village breton, si on allait prendre leur travail, violer leurs femmes et manger leurs enfants ? Et on va construire des mosquées géantes sur les places de leurs églises. » vous croyez que c'est comme ça ?

Illustration de couverture : Vincent Bergier
Éditeur : Actes Sud junior - 6 octobre 2021 - NOUVEAUTÉ
256 pages - 12.80 €

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