mercredi 17 novembre 2021

Un mariage (un peu trop) mortel - Jesse Q. Sutanto

Un roman plutôt surprenant. 
Première moitié entre grand-guignol et Louis de Funès. Ensuite, plutôt comédie romantique et fort drôle !

D'entrée, j'ai beaucoup aimé le côté famille asiatique envahissante. On découvre des traditions intéressantes, une famille hors du commun, à la fois terriblement encombrante et tellement aimante et indispensable.
Puis, j'ai trouvé un peu longuet ce cadavre baladeur et j'avoue avoir même été tentée d'abandonner ma lecture (je suis trop impatiente en ce moment, trop débordée !). Ça aurait été vraiment dommage, parce qu'ensuite, je me suis régalée avec cette aventure totalement déjantée, et je ne l'ai plus lâchée.

Une famille totalement dingue (j'espère que toutes les familles sino-indonésiennes ne sont pas aussi frappées !!) un mort qui ne tracasse pas grand monde au final, mais un cadavre qui encombre beaucoup. Un mariage absolument délirant. 
Il ne faut pas chercher la vraisemblance mais se laisser emporter par ce tourbillon ahurissant. Sans oublier le côté comédie romantique, avec même une double romance qui pointe son nez de temps en temps au milieu de cette journée de folie.
Quelques personnages sont totalement attendrissants, comme la malheureuse mariée (ou presque). On se régale à détester d'autres, et notamment le shérif, voire le (futur ?) marié.

J'avoue, (mais j'ai déjà dit qu'il ne fallait pas chercher de vraisemblance) que je trouve tout de même que la mère de Meddy s'en tire bien, personne ne rejette la faute sur elle, même Meddy s'excuse de l'impliquer dans les drames. Nul ne semble s'être aperçu que l'origine de tout est quand même son inconséquence, et qu'elle est vraiment fautive.

HLAB se présente comme une maison d'édition 100% numérique. Si le texte est en effet pour une fois très lisible, il est étonnant sur la liseuse, de ne voir aucune couverture, pas de page de titre.  Un titre en anglais dans la bibliothèque. Absolument rien qui permette de savoir le titre en français, ni la couverture. Curieux !

Extraits :
La table ronde permet de répartir chaque plat à égale distance de tous les convives, mais un repas de famille chinois n’est pas complet si tout le monde n’offre pas de la nourriture à tout le monde. C’est une marque d’amour et de respect ce qui veut dire qu’il faut le faire de la manière la plus ostentatoire possible. À quoi ça sert de donner à Tata Big le plus gros siew may si personne ne s’en rend compte ?

***
- Meddy ? Comment tu peux dire ça ? Mana boleh begitu ? Tes tantes viennent, très tard dans la nuit, pour nous aider à nous débarrasser du corps et on ne leur offre même pas de nourriture ? Comment peux-tu ? Oh, on a du fruit du dragon, bien, bien. C’est le préféré de Tata Big. Wah, on a du xiang li aussi. Très bien. Aide-moi à peler, sois pas impolite avec tes Tatas, tu fais la honte.
- T’as raison, la honte c’est de manquer de fruits, pas d’avoir un cadavre dans sa voiture.

***
Je suis celle à qui il incombe d’immortaliser tout le dur travail de ma famille, les pièces montées de Tata Big, les coiffures élaborées et les maquillages artistiques de Tata Deux, les sublimes compositions florales de Ma et les performances dynamiques de Tata Quatre. Tout repose sur moi et je déteste ça. À chaque mariage, j’essaie de tout capturer et à chaque mariage, j’oublie quelque chose. Pour le dernier, j’ai oublié de prendre des photos du meilleur profil de Tata.

Sous-titre : 1. Ruiner une journée de rêve grâce à sa famille, son ex et un cadavre dans une glacière.
Titre original  : Dial A for aunties  
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Noam Cochin
Éditeur : HLAB (Hachette numérique)

Cher lecteur,
 
Je vous remercie. Ce livre est une lettre d’amour à ma famille, à mon clan… à tout un paquet de gens avec une longue expérience de l’immigration. Mes quatre grands-parents ont émigré de Chine en Indonésie entre 1920 et 1930. Une fois sur place, ils ont renoncé à leurs noms chinois en faveur de noms indonésiens pour éviter la xénophobie. Chen est devenu Sutanto. Ho est devenu Wijaya. Ils se sont totalement intégrés à la culture indonésienne, et leurs enfants aussi. Mes parents ont grandi avec le bahasa indonesia pour langue natale et le mandarin en deuxième langue.
En ce qui concerne ma génération, mes parents nous ont envoyés à Singapour pour échapper aux émeutes des années 1990 visant la population chinoise en Indonésie. Heureusement, l’Indonésie est aujourd’hui un pays multiculturel et multi-religieux où l’on nous accorde des libertés que mes parents ne connaissaient pas. À Singapour, mes cousins et moi avons rapidement adopté l’anglais en première langue. Certains (disons-le clairement, moi) ont même quasiment perdu tout leur indonésien, et lorsque mes parents nous rendaient visite nous avions du mal à communiquer.
Le résultat de tous ces va-et-vient est un véritable amalgame linguistique. Bien que ma famille soit, techniquement, trilingue, les langues que nous parlons sont, chacune à leur manière, un peu brisées. Je suis plus à l’aise en anglais, puis en mandarin grâce à mes dix ans d’études à Singapour, et l’indonésien vient loin derrière. Mes parents, eux, parlent couramment indonésien et mandarin, mais ils ne parlent qu’un anglais approximatif. Quand on échange entre nous, les phrases sont parfois bancales et hésitantes et il arrive souvent qu’on ait du mal à s’exprimer avec précision. C’est le prix que mes parents ont payé pour garantir que mon frère et moi puissions grandir en sécurité.
Certaines des tantes dans le roman qui suit parlent cet anglais brinquebalant de la génération de mes parents. Leur maîtrise de la langue n’est en aucun cas un reflet de leur intelligence, mais révèle plutôt les sacrifices qui ont été faits pour les générations suivantes. Ils sont, en pratique, trilingues et je suis extrêmement fière de cet héritage. J’ai bien conscience que la frontière entre authenticité et caricature est ténue mais j’espère que ce livre saura apporter un peu de nuance aux clichés.
La communauté asiatique est bien trop grande et variée pour être dépeinte, tout entière, en si peu de pages. J’espère plutôt que cette histoire vous donnera un aperçu de l’amour farouche avec lequel ma famille nous a élevés et continue de nous protéger.
Votre fidèle auteure,
Jesse

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