samedi 6 janvier 2024

Half Moon Street - Anne Perry

 
J'ai lu beaucoup de roman de la série Thomas Pitt à une période, et puis, je n'en ai plus eu l'occasion. On m'avait promis de me prêter la suite mais ça ne s'est jamais fait. Celui-ci vient de me tomber dans les mains, et je suis surprise qu'il m'ait échappé puisqu'il provient du désherbage de notre bibliothèque.
C'est le 20e . J'avais lu la totalité jusqu'au 17, puis le 22 et quelques volumes de ceux de Noël centrés sur d'autres personnages proches de l'entourage de Charlotte.
J'ai l'impression de retrouver avec plaisir une famille un peu perdue de vue, mais dont je connaissais tous les membres.

1891- Londres est toujours aussi glauque. Du brouillard, et un cadavre voguant sur la Tamise.

J'avais oublié combien j'aimais cette série, parce qu'à côté de l'intrigue policière, toujours très bien menée, il y a aussi toute la vie de Pitt et de sa famille.
Ici, il est notamment beaucoup question de sa belle-mère Caroline, et de la grand-mère Mariah, toujours aussi odieuse.
Il sera question de théâtre, avec le nouveau mari de Caroline, Joshua l'acteur, et surtout de la censure, du conservatisme et de la maltraitance discrète des femmes.
À présent que je connais un peu de la vie de l'autrice, ces passages sont impressionnants.
On croisera aussi avec plaisir Oscar Wilde et quelques autres têtes connues.
Liberté contre censure. Hélas, on parle de la fin du 19e siècle, mais on a tellement l'impression de revenir à ces périodes où la censure régnait qu'il y a comme un triste goût d'actualité.
Plus agréable, on découvre aussi les débuts de la photographie.
Charlotte n'est présente que par ses lettres, elle est à Paris pour des vacances, et manque beaucoup à Thomas qui dans sa maison bien vide s'occupe du chat.

Au-delà d'un roman policier très bien construit et plein de suspense, on a donc une belle réflexion sur des sujets graves, art, censure, libertés. Vouloir faire avancer la liberté et la cause des femmes justifie-t-il toutes les outrances. Peut-on / doit-on rester modéré tout en plaidant une cause juste ... ?

Extraits :

L'art doit précéder les idées, commissaire, non les suivre.

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- Cette pièce est un affront à la décence, à tout ce qui touche aux liens sacrés du mariage ! s'insurgea Mrs Marchand.
- Non madame, répondit Joshua. Elle remet en question certaines de nos valeurs. L'humanité ne progressera jamais si elle ne se remet pas en question ! Nous ne comprendrons jamais notre prochain et encore moins nous-mêmes. Dans ces conditions, nous ne méritons pas d'être des êtres humains doués d'intelligence, pourvus de liberté de penser et de pouvoir de jugement.
Caroline sentit qu'il se laissait emporter et que la discussion n'allait pas tarder à s'envenimer.
- Tout est dans la façon de poser les questions, dit-elle pour calmer le jeu.
Joshua la dévisagea avec gravité.
- Seuls les mots qui dérangent sont capables de nous faire réfléchir et évoluer. Grandir est souvent douloureux, mais refuser de grandir est le début d'une mort lente....

***
— Les esprits étroits critiquent toujours ce qu'ils ne comprennent pas, pour faire croire qu'ils dominent le sujet, en masquant leur ignorance, expliqua-t-il avec véhémence. C'est pour moi une perpétuelle source d'étonnement de constater que plus l'homme est stupide, plus il fait étalage de ses imperfections.

***
— J'ai entendu dire que c'était un pays peuplé de sauvages coupeurs de tête, murmura Mrs. Hunter-Jones.
— Des chasseurs de scalps, madame, la corrigea-t-il. Ce sont les Français qui coupent les têtes, si je ne m'abuse. Et sachez que ce sont les Blancs qui ont introduit la coutume du scalp; les Indiens n'ont fait que les imiter. Ils étaient d'ailleurs bien plus doués que nous...
Il regarda au loin.
— Nous, nous avions les fusils, le whisky, la rougeole... Nous avons gagné.
Mariah Ellison lui lança un regard noir.
— Je ne comprends pas. Vous avez bien dit "rougeole" ?
— Oui, madame. Les Indiens ne supportaient pas le whisky, et la rougeole les a décimés par milliers. Nous pensons souvent, à tort, que les hommes ont la même constitution.

***
Il y avait là un article très informé et plein d'esprit rédigé par Oscar Wilde, décrivant la censure comme un acte d'oppression commis par de lâches individus, autant effrayés par la noirceur de leur âme que par l'opinion d'autrui.

Série : Charlotte Ellison et Thomas Pitt - 20e épisode
Titre original : Half Moon Street (2000)
Traduit de l'anglais par Anne-Marie Carrière
Éditions de la Loupe - Grands caractères - 10 mars 2007 - 21.70 €
Collection : Grands Détectives - 358 pages
Paru en septembre 2006 aux éditions 10/18 (8.00 €)


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