lundi 5 février 2024

Une saison à Hydra - Elizabeth Jane Howard

 
Un roman étonnant, à quatre voix. Loin de mes lectures habituelles, merci Rose-Marie de me sortir de ma zone de confort !

J'ai eu un peu de mal au début, je m'attache plus facilement aux personnages sympathiques, ou à ceux qu'on peut détester !! Ici, le couple est juste agaçant de prime abord. 
Emmanuel, un auteur de théâtre sexagénaire, qui peine à la fois à écrire sa prochaine pièce, et à trouver l'actrice qui incarne pleinement le personnage de celle qui va se jouer.
Sa femme, Lillian qui ne semble là que pour se lamenter.
Et puis, il y a Jimmy, l'homme à tout faire, aussi bien assumer le quotidien que gérer les états d'âme de ce couple d'artistes.
L'arrivée d'Alberta / Sarah, 19 ans, qui n'a jamais quitté jusque-là le presbytère de son pasteur de père dans la campagne anglaise va tout changer. Ingénue, naturelle, mais tellement intelligente et si fine. On a un vrai plaisir à la suivre. Et en même temps j'ai tremblé tout le long en imaginant les dégâts possibles dans sa vie, dans ce milieu d'artiste qui lui est si étranger. Survivrait-elle si elle devenait actrice, ou si elle devenait une maîtresse parmi tant d'autres ?
Peu à peu, les personnages se dévoilent, c'est bien plus profond qu'on ne s'y attendait, et on s'y attache.
Lillian pleure son enfant qui a trop peu vécu, et c'est déchirant. On comprend que tout la ramène à ce deuil. Surtout avec une santé fragile, qui lui interdit beaucoup de choses.
Si j'aurais voulu ne jamais quitter Alberta, j'ai beaucoup aimé aussi Julius, le petit surdoué qui survit avec tant d'élégance dans son île, loin de tout.
Les personnages se racontent à tour de rôle, et j'étais surprise chaque fois qu'Emmanuel revenait, car ces chapitres-là sont à la troisième personne, alors que les autres parlent à la première personne.

Malgré son titre, tout le roman ne se passe pas en Grèce, mais Athènes, comme Hydra, donnent une furieuse envie de sauter dans le premier avion, et d'aller retrouver Julius.

Un sujet dense, parfois triste, de profondes réflexions sur la vie, et sur le métier d'artiste et de créateur.
Mais aussi un humour tout en légèreté, on sourit souvent au détour d'une phrase inattendue.
Une découverte étonnante pour moi que ce roman. D'autant plus étonnante qu'il est paru en 1959, et que je l'ai totalement oublié pendant toute ma lecture, tant il est moderne, et n'a pas vieilli du tout.
Comme une tragédie grecque, qu'Emmanuel n'espère pas égaler ?

J'aime beaucoup la présentation de ce volume dans la collection La Petite Vermillon (La Table Ronde) et l'introduction de Sybille Bedford est très intéressante. À lire avant, ou après, ou à relire !

Qui en parle : Ramettes (Et elle vous parlera bientôt de La Longue Vue, de la même autrice)

Extraits : 

- Pendant une longue période, à l'âge adulte, les jeunes semblent seulement rajeunir. Puis il arrive un jour où on les regarde et où l'on s'aperçoit qu'ils ont au moins trente-cinq ans et sont pourtant beaucoup plus jeunes que nous. Et là, on se rend compte de son âge.

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Si je pouvais leur dire que le savoir est comme une clé ouvrant tout sauf sa propre maison,

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Ce qu'il appelle l'éducation et le progrès ne semblent même pas améliorer notre mécanique. À la naissance, j'étais sûrement capable de mettre mon pied dans ma bouche, et je ne vois pas ce que j'ai gagné pour compenser la perte de cette authentique compétence.

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J'aimerais être l'imprévu dans un quotidien routinier, au lieu d'être l'élément prévisible au milieu de changements incessants.

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Debbie Westinghouse était une de ces femmes qu'on ne voit qu'ici - moitié poupée, moitié petite fille - , sans rien dans la tête, pas même une once de méchanceté. Elle était fragile, écervelée, douce et simple et tellement propre qu'on aurait pu manger sur elle. Elle adorait sa famille, avait rempli la pièce de photos de ses petits-enfants et comprenait que les livres n'étaient pas pour elle.

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Lilian m'a dit ce matin qu'elle ne savait pas à quoi elle servait, or j'ai la désagréable impression qu'on peut tous en dire autant.

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Les principaux animaux de l'île : ânes, mules, chèvres, chats, chiens et poulets. D'après moi aucun d'eux n'a la vie facile selon les critères anglais, mais peut-être qu'étant grecs ils ont une conception différente de l'affection et de la sécurité. Ce sont les chats qui s'en sortent le mieux, mais seulement parce qu'ils sont hautains et indépendants.

Titre original : The Sea Change (1959)
Traduit de l'anglais par Cécile Arnaud
Introduction de Sybille Bedford (1986)
Éditeur : La Table Ronde - 25 juin 2020 
Collection : La Petite Vermillon - 535 pages - 8.90 € (Format poche)
Paru en 2019 en grand format chez Quai Voltaire (24.00 €)





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