dimanche 14 octobre 2018

Pourquoi j'utilise le mot autrice ...

Il est rare que j’utilise ce blog pour un billet personnel, je préfère y partager mes lectures.
Mais aujourd’hui, je voudrais insister sur mon choix d’utiliser systématiquement le mot autrice (et c'est souvent, je n'ai pas fait de statistiques, mais je pense que mes lectures sont largement plus féminines que masculines, sans que ce soit intentionnel. Simplement ce sont mes préférées).

On me dit parfois (surtout quand je l’utilise à l'oral) que c'est moche.
Pour moi, une réalité, un objet, peuvent être beaux ou moches, mais un mot, il est simplement utile pour nommer cette réalité ou cet objet.
Comme je ne saurais vous expliquer de façon correcte mon choix, je me permets d'emprunter ceux d’une autrice que je lis beaucoup et dont j'admire tous les textes (et forcément, elle écrit mieux que moi !!)

[...]
Si vous êtes pressés, en voici un très bref résumé :
S'il est légitime de vouloir utiliser une forme féminine du nom "auteur" lorsqu'il désigne une femme, pourquoi aller fabriquer un néologisme grammaticalement aberrant (auteure), plutôt que de réhabiliter une forme morphologiquement régulière et historiquement attestée (autrice) ?

Si en revanche vous avez des commentaires, merci de bien vouloir lire le texte en entier:
"A tous les rédacteurs et toutes les rédacteures du Monde
Vous tiquez à la lecture de ce titre ? Normal, c’est quoi, ce féminin en -teure ? Et pourtant vous, journalistes du « Monde », vous continuez à écrire à longueur de colonnes le mot « auteure ». Personnellement, j’ai d’abord été appelée « auteur jeunesse » et cela ne me convenait guère, vu que je suis une femme. Je suis donc tout à fait d’accord pour que l’on féminise le nom. Mais alors, faisons-le dans les règles. Que je rappelle ici (source : Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions, ATILF, site dépendant du CNRS) :
La forme féminine des masculins en –teur se termine par -trice dans les conditions suivantes :
• il n’existe pas de verbe correspondant au nom (agriculteur, aviateur, instituteur, recteur...),
• il existe un verbe correspondant au nom, mais dont la terminaison ne comporte pas de -t- (accompagner-accompagnateur ; calculer-calculateur ; conduire-conducteur...),
• indépendamment de l'existence d'un verbe correspondant, il existe un nom corrélé morphologiquement se terminant par, -tion, -ture, -taire ou -torat (éditeur-édition; lecteur-lecture ; tuteur-tutorat...)
Mais voici que les auteurs de ce guide ajoutent :
Pour les termes auteur, docteur et pasteur, les formes morphologiquement régulières et attestées en -trice ou en -oresse (autrice, aut(h)oresse, doctrice, pastoresse) ne sont plus acceptées aujourd'hui.
Donc le féminin « auteure » est un barbarisme (qui nous vient du Québec), alors que la forme régulière « autrice » est attestée en français jusqu’au XVIIème siècle, date à laquelle les Académiciens ont jugé bon de le supprimer comme beaucoup d’autres termes féminins désignant des métiers « nobles ». La question qui se pose (que je vous pose) alors est : si l’on souhaite, comme c’est bien légitime, féminiser le mot « auteur » quand il désigne une femme, pourquoi créer un néologisme morphologiquement erroné plutôt que de réhabiliter la forme régulière et attestée ?
Parce qu’ « autrice » sonne mal et écorche les oreilles ? Ah bon ? Et « actrice », ça écorche les oreilles aussi ? Simple question d’habitude. 
Parce que « professeure » et « ingénieure », également venus du Québec, sont déjà couramment employés ? Mais ce ne sont pas des noms terminés en –teur auxquels on peut appliquer la règle énoncée plus haut.
Serait-ce plutôt parce qu’ « auteure », avec son petit « e » muet, reste une féminisation inaudible, à peine visible, qui, si elle contrevient à la règle grammaticale, ne dérange pas vraiment l’ordre établi : aux hommes les professions et occupations de prestige ? Mais même cet argument machiste ne tient pas, car nous avons des « directrices », des « aviatrices », des « éditrices », et pas seulement des « institutrices », des « agricultrices » ou des « factrices ». (Mais pas de « dictatrices », c’est vrai !).
Le choix de la rédaction du « Monde » ne me paraît donc aucunement justifié et je le déplore car il est en votre pouvoir, à vous qui écrivez dans un journal considéré comme une référence, d’influencer grandement l’usage de la langue. Pour ma part, comme beaucoup de mes consœurs, je me reconnais dans ce mot d’« autrice ».
Pascale Maret
Professeure agrégée de Lettres modernes
Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure
Autrice jeunesse
PS- Devinette : quel est le mot féminin en –trice qui n’a pas de masculin ?
(Solution : cantatrice)

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