lundi 6 septembre 2021

80 jours autour du monde - Le défi de Nellie Bly et Elizabeth Bisland - Matthew Goodman

Ce livre de Matthew Goodman m'avait donné envie de lire "l'original" le texte de Nellie Bly.
M'étant enfin décidée à lire Nellie Bly, je reprends d'abord ici ce que j'avais écrit il y a sept ans (houlà, je ne pensais pas avoir attendu si longtemps !!) sur Babelio au sujet de celui-ci :

J'ai trouvé ce livre passionnant, et je remercie énormément Babelio et les éditions Arthaud, sans qui je ne l'aurais probablement pas lu, ce n'est pas trop habituellement mon genre de lecture.
Il s'agit d'une histoire vraie, une aventure qui ne me semble pas très connue en France (mais je peux me tromper, ce n'est pas parce que je ne connaissais pas que personne ne connaît ...)
Une jeune journaliste américaine, Nellie Bly, déjà un peu connue pour ses reportages clandestins, persuade Joseph Pulitzer de l'envoyer faire le tour du monde, en moins de 80 jours, pour le journal New York World.
En novembre 1889, elle se lance dans l'aventure, seulement munie d'un petit sac de voyage.
Le lendemain, le directeur du Cosmopolitan, persuadé qu'on gagnerait du temps à faire le tour en sens inverse, envoie une autre jeune femme, Elizabeth Bisland, pour tenter de battre le record.
La compétition va tenir en haleine toute l'Amérique, surtout après que le World ait lancé un concours pour déterminer le temps exact que va mettre sa journaliste, avec à la clé un voyage en Europe pour le gagnant !
Les deux jeunes femmes ont écrit le récit de leur voyage, et à partir d'eux, et de nombreux autres documents, Matthew Goodman retrace leur tour du monde, et aussi leur vie avant et après.

J'avoue qu'au départ, je ne voyais pas trop pourquoi lire le récit de l'auteur plutôt que ceux écrits directement par les deux journalistes. (Mis à part le fait que je ne lis pas l'anglais !).
Or, j'ai trouvé ce document réellement passionnant, bien au delà d'un simple récit de voyage ou d'une compétition.
On y découvre le monde à la fin du 19e siècle, mais surtout l'Amérique.
J'ai appris énormément de choses sur les Etats-Unis de la fin des années 1880, et de façon vraiment intéressante.
Par exemple l'importance prise par les compagnies ferroviaires à cette période, et leur rôle dans la fixation des fuseaux horaires légaux.
Ce n'est qu'un exemple, on voit vraiment vivre l'Amérique sous nos yeux.
Mais bien entendu, on découvre aussi d'autres pays, la façon de voyager de l'époque, les paquebots côté première classe, (et l'entrepont vu d'en haut !)
Nellie et Elizabeth sont fort différentes, et cela ajoute à l'intérêt du récit.
Nellie a voulu ce tour du monde, alors qu'Elizabeth est partie sans aucun préparatifs, du jour au lendemain et un peu à contrecoeur. L'une par ses reportages défendait la classe ouvrière, l'autre invitait à des thés littéraires. L'une est choquée que les Anglais se conduisent partout en conquérants, l'autre découvre qu'elle aime se déplacer dans tous ces pays où on parle et vit à l'anglaise.
Avant même que cette idée de tour du monde ne germe, on découvre Nellie se lançant dans des reportages à risques. Notamment, ce qui lui valût le début de sa notoriété, se faisant enfermer dans un asile de New York, où les patients étaient très maltraités. Et d'où elle faillit ne pas parvenir à ressortir. Toujours elle défend les malheureux, les opprimés.
J'ai donc trouvé assez curieux que lors de son tour du monde, elle ne semble plus du tout s'émouvoir du sort des pauvres habitants des pays traversés, ou des malheureux qui font la traversée sur l'entrepont. Si l'on en croit Matthew Goodman, elle ne leur aurait jamais rendu visite, se contentant de les observer avec amusement depuis les ponts de première classe, comme les autres passagers.
Cela ne colle pas bien avec l'idée qu'on se fait de cette journaliste après avoir lu ses débuts.
Et l'auteur ne cache guère que ses préférences vont plutôt à Elizabeth me semble-t-il.
La dernière partie du livre, qui retrace la vie des deux héroïnes après le tour du monde, m'a un peu moins intéressée. Mais j'aurais regretté ne pas savoir ce qu'elles sont devenues. Donc, j'apprécie que l'auteur ait continué, même si c'est forcément moins passionnant.
Malgré mon enthousiasme pour ce livre, j'ai bien entendu quelques petits regrets ou reproches ! :
Il y a des cartes très succinctes au début de chaque chapitre, mais j'aurais apprécié des cartes présentant mieux l'ensemble du voyage, avec le parcours de chaque journaliste.
Une table des matières des chapitres aurait facilité les recherches éventuelles, les retours en arrière.
Et aussi une police de caractères différente lorsque l'on suit l'une ou l'autre.
J'aurais aimé, je sais que j'en demande beaucoup, quelques photographies des personnages et des lieux.
On a juste les médaillon des deux jeunes femmes en quatrième de couverture, sans même savoir laquelle est qui. Et on ne voit pas le fameux sac de Nellie !
Il m'a semblé rencontrer quelques phrases curieuses voire incorrectes, que j'ai lu et relu pour voir si vraiment on disait comme ça en français (surtout dans les subordonnées un peu longues). Un problème de traduction ?
Mais tous ces reproches ne sont que des points de détail.
En résumé, un gros livre (500 pages) qui se lit comme un roman, et que je conseille à tous.
J'ai noté quelques citations, mais j'avais sans cesse envie d'en relever, presque à chaque page quelques phrases me paraissaient dignes d'intérêt.
Et en bonus, j'ai bien aimé la rencontre entre Jules Verne et Nellie, au cours de son périple. Comme un clin d'oeil entre un personnage réel, et celui imaginaire qui l'a inspiré !

Extraits :

Les passagers de première classe pouvaient passer la journée à manger.
Le petit-déjeuner était servi à huit heures, le déjeuner à une heure, et le dîner à sept heures, mais des plateaux de fruits frais étaient disponibles pour les lève-tôt et, en milieu de matinée, on passait des tasses de bouillon sur des plateaux, suivis de sandwiches à midi, de glaces à trois heures, du thé à quatre heures et des friandises à cinq heures : enfin, à neuf heures, pour ceux qui se sentaient encore en appétit, on servait un souper dans le grand salon.

***
Elle nota qu'au Mexique, il était considéré comme poli, voire comme la manifestation d'un hommage, pour un homme de regarder une femme dans la rue. "J'ajouterais, écrivait-elle, que les hommes, sur ce point, se montrent remarquablement polis."

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Elles [les femmes] labourent, hersent, récoltent, piochent, [...] et accomplissent tous les pénibles travaux de force sans que personne y redise ! Mais que l'une d'elles prétende utiliser ses facultés intellectuelles [...] alors là !

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En 1892, un éditeur choqué, à qui on demandait s'il pourrait un jour embaucher une femme en salle de rédaction, s'était écrié : "Une femme - jamais ! Pourquoi ? Comment voulez-vous jurer en présence d'une femme ?"

Titre original : Eighty Days (2013)
Traduit de l'anglais par André Roussel
Éditeur : Arthaud ; mai 2014 ; 521 pages ; 22.90 €

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