Le MEILLEUR roman pour parler de la guerre, de la guerre en général, et de la 2nde guerre mondiale en particulier.
C'est rare que j'ai du plaisir à lire une histoire de guerre, mais c'est si bien écrit, beau, poétique, des personnages attachants qu'on ne voudrait plus quitter.
Si à la place de cours d'histoire, on faisait lire ce roman aux collégiens, je suis certaine qu'ils en retiendraient beaucoup plus, c'est tellement marquant.
J'ai assisté ce matin, comme chaque année, à la cérémonie du onze novembre. À chaque texte lu, au lieu d'écouter juste par habitude, j'étais transportée au coeur de la guerre, tant cette duologie m'a marquée.
Un roman pourtant facile à lire. On se passionne pour les aventures de Philippe, Félix, Jacqueline et Esther et en même temps, l'auteur a su nous montrer tous les aspects et les divers moments cruciaux de cette guerre, nous sommes au cœur de l'action.
À la fin du premier tome, nous les avions quittés alors qu'ils s'apprêtaient à partir du Jura, à la fois parce qu'il était urgent pour eux de disparaitre, mais aussi pour aller enfin chercher le petit frère d'Esther à Nice.
Voyage, zone libre qui ne l'est pas tant que ça. Proximité de l'Italie, belles rencontres, d'anonymes qui vont les aider, fortes personnalités. Mais aussi de personnages connus que l'on devine.
Soudain, il est question de Roman Kacew ! Je ne l'avais pas vu venir !
Ni Mina, son nom de famille, son diabète, ne m'avaient alertée, je les ignorais. Mais Roman Kacew, difficile de ne pas savoir ! Clin d'oeil sur les promesses de l'aube. ;-)
Et puis Max. Des allusions à reconnaitre pour les adultes, mais qui sont ensuite explicités pour les jeunes lecteurs.
Et la cérémonie de ce jour 11 novembre rendait hommage à Jean Moulin, 80 ans après sa mort.
En cette période noire, un joli moment d'humour, quand Philippe donne un cours de dessin à "un vieux peintre pas très doué" en qui on a reconnu le grand Matisse. Philippe ne comprendra que plus tard, mais j'ai bien souri.
Après Nice, ce sera le Vercors.
Et j'ai beau le voir de mes fenêtres, c'est en lisant ce roman que j'ai vraiment compris. Le maquis, les différentes factions, les parachutages, tout le travail de l'ombre, les risques toujours présents, la mort et l'amitié.
Et la fuite, sans cesse, où se réfugier pour être enfin à l'abri, quand tout le pays est en guerre.
L'auteur nous parle aussi de la suite, ce qui s'est passé à la fin de la guerre, et vu par des yeux différents. Philippe est un garçon intelligent, qui sait bien que tout n'est pas si simple, si noir ou blanc.
Le passage sur l'épuration, au plus près des personnages qui nous ont accompagnés tout au long de ces pages, est extrêmement bien amené et ouvre de belles pistes de réflexion.
Et toutes ces passages sur les Juifs, certainement écrits avant les évènements présents, et qui prennent une telle actualité. Qui aurait pu croire qu'on allait revenir à ces temps si noirs. 😢
Comment Pascal Ruter parvient-il à mettre de la douceur dans un tel quotidien ?
Comme chacun de ses romans, on ne peut pas le lâcher avant la fin.
L'histoire est en fait un journal, écrit par Philippe, et lu bien plus tard, par sa petite-fille après son décès. Alternant avec le journal d'Esther.
En postface, dans chaque volume, l'auteur parle de la limite entre réalité et fiction, et précise ce qui est historique et ce qui est romancé. C'est très intéressant.
Une duologie qui j'espère sera dans tous les CDI et proposée à chaque collégien. Et je sais qu'ils auront du plaisir à la lire.
PS : Merci Pascal Ruter, je n'avais plus entendu le terme "bastardon" depuis que mon papa n'est plus là pour le dire !
Extraits :
Les choses sont plus simples, le monde moins inhumain et la solitude moins pesante quand on peut se confier au papier.
***
Ombre parmi les ombres, je traverse chaque nuit comme le fleuve des Enfers, les morts ne veulent pas mourir une deuxième fois, ils exigent qu’on se souvienne d’eux. Comment faut-il leur parler ? Quelle fidélité leur doit-on ? Comment ne pas les trahir ? Je sais à présent que dans nos vies il y a plus de morts que de vivants.
***
Les collabos, c’est comme les rats, il y en a partout. Et ils ne sont ni français, ni italiens, ni allemands. Juste pourris.
En réalité, nous ne savons rien des règlements en vigueur ici. Libre, qu’est-ce que ça veut dire ? Nord ou sud, la seule boussole de l’Europe est la haine. Les Juifs en situation irrégulière doivent certainement être pourchassés, comme partout ailleurs. Et par les temps qui courent, un Juif est par nature en situation irrégulière.
Comme nous aimerions croire, ce soir, à cette douceur de vivre, à ce ciel chaleureux, à cette lumière consolante, à ces roches lavées par l’ardeur du soleil. Parfois une bouffée de rire impossible à retenir me saisit et fait naître les paroles de Mano, qui cognent à mes tempes. Le pays de la lumière et de l’amour.
***
Je voudrais protéger mon âme de ce désespoir qui consiste à ne plus croire à la bonté des hommes,
***
[Philippe conseille un M. Matisse, dont il ne sait rien de la notoriété]
– Peut-être, mais si un jour vous voulez percer, il faut apprendre à dessiner les gens. Je vous donnerai quelques ficelles, si vous voulez.
– Je vous en serais très reconnaissant, murmure-t-il.
– Les oiseaux bleus, c’est bien pour vous distraire, mais c’est pas comme ça que vous deviendrez célèbre. C’est comme vos danseurs, là, en rond.
– Il faut toujours écouter les jeunes, dit-il, soudain fatigué.
***
– C’est la preuve que même la guerre ne peut rien contre nous, dis-je.
– Pourtant, elle nous a changés. Ou plutôt dépouillés. Elle nous a volé notre jeunesse, notre espoir, notre insouciance.
***
– Mais non, un roman moderne. Le Silence de la mer, retenez bien le titre. Il a été publié clandestinement et depuis il circule sous le manteau. Il paraît que même le général de Gaulle l’a trouvé épatant. Le plus beau c’est le nom de l’auteur… Un certain… Vercors ! Ça ne s’invente pas !
***
– Les chefs disent que les Américains auraient dû détruire la piste de décollage de Valence-Chabeuil avant d’envoyer leurs avions.
***
– Je parle avec lui tous les jours. Il ne m’a jamais quittée. La mort est impuissante à nous séparer de ceux qu’on aime.
***
on laisse toujours une part de nous-même dans les lieux où on a vécu. Et qu’il faut revenir aux endroits traversés par les gens qu’on aime parce que c’est comme ça qu’on les rend éternels.
Éditeur : Didier Jeunesse - 11 octobre 2023 - 352 pages - 16.90 €
Lu en numérique via NetGalley que je remercie.
Les oiseaux de Matisse, qui volent en filigrane tout le long du roman |
Mes autres lectures de Pascal Ruter : (Que des coups de coeur !)
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