mercredi 22 avril 2020

Une autobiographie - Agatha Christie

Un livre dont je ne me lasse pas !
Beaucoup de choses me fascinent dans cette autobiographie.
 L'une d'elles est qu'Agatha Christie nous parle d'un temps très ancien : la vie d'une fillette à la fin du  19e siècle, celle d'une jeune femme au tout début du 20e, un autre monde tant il est loin du nôtre. Et pourtant ... quand parait ce livre, on est en 1977, ce qui me semble hier ! C'est très surprenant pour moi ce passage entre les époques.

Elle a aussi un vrai talent de conteuse (on s'en doutait hein !) pour nous recréer des lieux, des époques révolues, pour nous parler d'anecdotes de sa vie, comme des grands bouleversements.
Il est certain qu’elle écrit "a posteriori" qu’elle ne retient et  ne nous raconte que ce qu’elle a envie. Mais voir ainsi dévoiler son approche de l'écriture, comment elle y est venue, la genèse de ses romans importants, c'est passionnant.
Et il y a aussi beaucoup de réflexion sur le monde, la vie, et sans que ce ne soit jamais pesant, elle nous amène aussi à réfléchir nous-mêmes.
Elle nous parle d'un temps révolu, si étonnant pour nous : on travaille dans la finance et on grimpe les échelons, sans aucune formation, souvent parce qu'on vous a recommandé.
Ou bien : On n'a plus assez d'argent pour vivre, que faire ?
On part simplement vivre à l’étranger ! En France par exemple (après avoir loué sa propre maison).
On ne se passe pas de nurse, mais on partage les tâches avec elle.

Des phrases résonnent étonnamment pour nous en cette période de virus galopant :

... pas plus qu'on ne faisait grâce, au Moyen Âge, à celui qui sortait en chancelant d'un village frappé par la peste et s'en allait ainsi contaminer les petits-enfants, innocents et jusque là en bonne santé, d'un village voisin. (p. 534)

 On n'a certes pas besoin de compagnie tous les jours, mais la solitude est quelque chose qui croît en vous, peut vous enserrer et vous étouffer comme le lierre.

L'homme survivra. Peut-être seulement dans quelques poches ici  ou là. Une grande catastrophe est possible mais toute l'humanité ne périra pas. Restera quelque communauté primitive qui, ancrée dans la simplicité, ne connaissant le passé que par ouï-dire, rebâtira lentement, une fois de plus, une civilisation. (p. 264)

J'avais lu cette autobiographie en 2003, et assez appréciée pour l'acheter immédiatement après.
Je la relis dans un contexte particulier, juste après La Dame de l'Orient-Express.
J'envisageais de ne relire que la partie correspondant au roman, mais je me suis laissée prendre, tant il est difficile de quitter la Dame, et  j'ai tout relu. avec toujours autant de plaisir.

La partie correspondant au roman de Lindsay Ashford m'a particulièrement retenue.
C'est vraiment intéressant de voir tout ce qu'elle a pris dans la vraie vie d'Agatha Christie, et comment elle l'a transformé et en a fait un roman tout aussi passionnant.  A chaque page, je me disais :  ah oui, ça, elle en parle dans le roman, cette personne est devenue ... cet épisode a été transféré au moment où ...

Ce livre me donne envie de relire chaque roman policier d'Agatha Christie, en reprenant ce qu'elle en dit, son avis et les circonstances de l'écriture.
Il est amusant de constater que pour beaucoup, elle semble avoir pris moins de plaisir à les écrire que nous à les lire !

Avec 16 pages de photos.
Et une bibliographie très complète, chaque livre, pièce de théâtre ou autre assorti d'une dizaine de lignes d’explication.

Extraits :

Ne retournez jamais en un endroit où vous avez connu le bonheur : son souvenir restera vivant en vous. Sinon, il se détruit. (p. 94)

***
Quatrième partie :
On flirte, on se fait la cour, on publie les bans, on se marie (grand jeu victorien) (p. 193)

***
C'était  palpitant de partir. Ce fut merveilleux de rentrer. (p. 367)

***
Je crois maintenant possible que l'ineptie et l'impéritie de Coucou [une de ses nurses] aient fait de Rosalind une enfant particulièrement débrouillarde. [...] il fallait bien quelqu’un pour tenir un semblant d'ordre dans la nursery. (p. 369)

***
Maman eut quelques difficultés à faire admettre à ses deux vieilles servantes la présence du domestique noir africain de Monty [son frère] à la maison.
- Vraiment, Madame, je ne crois pas que nous pourrons dormir sous le même toit qu'un Noir. Ma soeur et moi n’avons pas été habituées à ça. (p. 392)

***
Je suis parfaitement capable de ne pas aimer un endroit parce que les collines n'ont pas la forme qu'il faut. C'est très très important pour des collines, d'avoir la forme qu'il faut. Pratiquement toutes celles du Devonshire l'ont. La plupart de celles de Sicile ne l'ont pas, si bien que la Sicile ne m'enchante guère. Celles de Corse, en revanche, sont un pur délice. (p. 489)

Autrice : Agatha Christie (1890-1976)
Traduit de l'anglais par Jean-Michel Alamagny
Préface française et bibliographie de François Rivière
Éditions du masque - Mars 2002
Terminé en 1965 ; 1e édition en Angleterre : 1977
Format 15 x 23 cm - 671 pages - 20 € (15.30 € pour la nouvelle édition)
Existe en poche : 9.90 €
et en version numérique : 9.99 €
Résumé Babelio

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